Réalisé par Luca Guadagnino.
Écrit par David Kajganich.
Avec Tilda Swinton, Matthias Schoenaerts, Raplh Fiennes, Dakota Johnson, Aurore Clément.
Italie – 120 minutes – 2015
Festival de Cinéma Européen des Arcs 2015 : compétition.
Il n’est pas difficile de présenter ce film, il est possible de dire qu’il s’agit d’un radical remake de LA PISCINE de Deray. Jusqu’à reprendre le prénom des personnages, le film de Guadagnino n’a rien d’original, mais n’est pas non plus indigent. Pourtant, il y a quelque chose du cinéma italien récent qui se fait découvrir dans cette nouvelle version. C’est cette façon d’être à la fois poétique et délicat. Notamment Tilda Swinton et Dakota Johnson qui jouent essentiellement sur leurs silhouettes. Tilda Swinton est fascinante sans même véritablement parler (son personnage a une extinction de voix). A ses côtés, Matthias Schoenaerts et Dakota Johnson sont aussi passifs qu’énervants ; tandis que Ralph Fiennes est survolté et déjanté à souhait (un exemple parfait du jeu britannique).
Le film de Guadagnino se repose sur une idée : le mélodrame. Tout le quotidien des personnages est bouleversé, non pas par une présence soudaine, mais par les émotions et sentiments des uns envers les autres. Il s’agit presque d’un labyrinthe des relations amoureuses, dans lequel la passion est primordiale. C’est cette passion qui détermine les comportements des comédiens, des personnages envers les autres, et détermine également le sort qu’ils rencontreront. Parce que cette passion prend de la place, elle dévore la raison des personnages en plaçant la spontanéité du désir en avant. En quelque sorte, le film est comme un champ / contre-champ constant créant les bouleversements des sentiments, tels les FEUX DE L’AMOUR.
Mais de là que naît le mystère autour des relations entre les personnages. Le film se garde bien de révéler quoi que ce soit des intentions des personnages, en brouillant donc les pistes pour son objectif final. Même si tous ceux qui ont vu LA PISCINE de Deray connaitront la fin, la mise en scène fait en sorte que chaque personnage agit dans son coin. Les comédiens, dans leurs attitudes, expriment plusieurs sous-entendus mais la caméra ne les filme pas. De cette manière, le mélodrame garde tous les chemins ouverts vers des possibilités d’enjeux et de remous. Sans rien concrétiser, le mélo prend le spectateur pour une midinette qui va expliquer pendant vingt minutes les relations. Parce que dans la forme, les corps sont tellement éloignés les uns des autres, que le montage doit tout faire seul.
Le film de Guadagnino propose une approche lyrique sur la passion dans le mélodrame. Que ce soit avec des plans larges montrant des paysages fantasmés, ou des plans rapprochés exhibant des corps désireux : il y a la volonté d’aborder les personnages comme des vecteurs de sensualité et d’amour dévastateur. Dans son montage, le film veut être sage en n’examinant que les points de vue qui changent selon la temporalité (cette fameuse idée du champ / contre-champ dans le texte, passage radical d’un personnage à un autre). En effet, le lyrisme dépend du moment auquel le montage va se concentrer sur un désir. Parce qu’à côté de cela, il y a des plans qui ne font que combler le montage, pour laisser le texte s’exprimer.
Sauf que le montage jouera également de l’absence de texte à de rares reprises. Quand on regarde la performance gestuelle de Ralph Fiennes, le montage se cale souvent sur cette idée de frénésie (mais non pas d’hystérie). Il faut remarquer comment certains travellings rapides sur un montage à plans courts vont créer une dynamique au sein de l’ambiance. Pour ne pas garder une ambiance linéaire et éviter d’être monotone, le montage va user plusieurs fois de cette idée. La frénésie au montage surgit pour rompre la tension, et rendre la mise en scène plus absurde. La folie spontanée et incessante comble tous ces nombreux instants mélo-pathos qui font essouffler rapidement le ton.
Le lyrisme du film crée de l’érotisme autour des personnages, notamment dans ces plans rapprochés exhibant les corps désireux. Mais à force d’appuyer sur la frénésie et sur le détail passionnel, les personnages ne progressent plus et finissent par errer dans leur propre personnalité. Les corps sont toujours aussi sensuels, mais les esprits finissent par lâcher : ainsi, le mélodrame finit par devenir radical et l’érotisme se voit abandonné. Parce qu’il faut résoudre les fantasmes des uns et des autres, alors la mise en scène et le montage se retrouvent bloqués à leur idée de départ. Alors que la situation évolue dans le texte, elle n’évolue pas à l’image. Dommage, car l’érotisme était le moteur du lyrisme et des corps. Son abandon ne permet pas à la mise en scène de répondre autrement que par un cynisme du lyrisme perpétuel.
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