Le premier long-métrage de Mohamed Ben Attia est une belle curiosité. Se situant en période post « printemps arabe », le film pose un regard nouveau sur la société tunisienne. Alors que la plupart des films mettent en scène les femmes dans cette société, Mohamed Ben Attia choisit un homme comme protagoniste. C’est assez rare pour qu’il soit nécessaire de l’évoquer. C’est alors toute l’approche qui se différencie des autres films au même contexte. Pourtant, un grand point commun rejoint HEDI avec les autres : le réveil de la conscience et le relâchement vers la liberté.
Avec un protagoniste masculin issu de la classe moyenne, Mohamed Ben Attia se démarque par son regard. A la fois très juste, donc sans jamais vouloir excéder dans les situations développées ou renouveler un état, il arrive aussi à accompagner son protagoniste avec une caméra qui se comporte exactement comme lui. Pendant un long moment passif, le protagoniste finira par révéler un sursaut qui lui rendra toute sa liberté et son expression. L’esthétique est alors surtout modeste, presque en recul, tout en finesse pour être le témoin amical du comédien. Cette épuration permet de saisir les codes de plusieurs genres : le film réussit parfaitement à s’intégrer successivement à la tragédie (assez proche de Charles Dickens), à la romance puis à l’aventure.
Sans excès de scénographie, la virtuosité esthétique tient à une mise en scène rigoureuse et une ambiance pesante. Avec la tête haute mais contenant ses émotions, le long-métrage veut surtout s’assurer que les espaces choisis se renvoient à eux-mêmes en permanence, comme des cages où le protagoniste tournerait en rond. La libération vient surtout avec la plage : l’ouverture du paysage permet de confondre les abysses avec la pression de l’entourage et de la société. C’est avec l’aventure, avec le dépaysement que le film prend de nouvelles couleurs, arrive à changer de souffle et de rythme. Cette rupture construite étape par étape car les personnages secondaires ne sont pas les bourreaux : il s’agit en vérité de l’image de la société, de l’exploration de l’identité.
A chaque scène, c’est comme si le protagoniste n’appartenait pas à l’espace où il est placé. Pourtant, la mise en scène n’offre jamais de solution, à part dans une future romance. Il faut remarquer que c’est en enlevant ses vêtements (pour se baigner) que le protagoniste fera la rencontre qui fera tout basculer. C’est donc en rejetant et en s’extirpant d’un décor que Hedi réussit à libérer le coeur qu’il possède. Dans sa mise en scène, Mohamed Ben Attia passe ainsi soudainement de la discrétion, l’assurance à la fureur, le plaisir. Comme si l’esthétique changeait d’univers, afin de libérer elle-même le protagoniste de son emprise.
HEDI de Mohamed Ben Attia.
Avec Majd Mastoura, Rym Ben Messaoud, Sabah Bouzouita, Omnia Ben Ghali, Hakim Boumsaoudi.
Tunisie, France / 88 minutes.
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