La Communauté

Déjà au travail sur son prochain long-métrage, Thomas Vinterberg a récemment joué avec la corde sensible. Il a reçu les acclamations pour LA CHASSE avec Mads Mikkelsen, et s’est fait un peu tapé sur les doigts pour LOIN DE LA FOULE DÉCHAÎNÉE avec Carey Mulligan. Avec LA COMMUNAUTÉ, voilà qu’il fait rompre la corde et tombe de bien haut. L’empreinte autobiographique, puisque le cinéaste parle d’avoir vécu dans une communauté, n’est en rien une excuse pour l’indulgence de certaines critiques. Au contraire, il ne faut pas se fier au titre, il ne faut pas avoir une grande attente vis-à-vis d’un film qui exploserait une mise en scène avec une flopée de personnages.

Pourtant, le long-métrage démarre ainsi. Le cinéaste danois arrive à marier l’humour noir et le comique de situation avec la chaleur humaine, tout en créant une fougue tout autour d’un groupe qui se constitue de minute en minute. Les auditions sont autant de champs / contre-champs délicieux qui racontent toute la nostalgie d’un bordel naissant. Telle la scène de baignade, l’immersion est totale et la mise en scène emprunte toutes les directions, toutes les postures possibles pour les personnages, tous les regards et les gestes d’une fraternité où l’individualité se joue dans le tempo de la mise en scène (des mains qui ne se lèvent pas en même temps, des regards fuyants, des paroles basses, etc…).

Néanmoins, le film s’embourbe dans de nombreux soucis : Thomas Vinterberg a choisi d’introduire trois personnages pour lancer son aventure communautaire, alors le film ressent l’obligation de se re-concentrer sur eux à un moment. C’est là que le film déraille. Oubliez le titre et l’idée de groupe, le cinéaste se concentre maintenant sur un trio. Il s’agit d’une romance à trois qui ne fait pas bon ménage, qui possède des rancœurs, de la jalousie, de la gêne, des secrets, etc… Tout ce que l’on a déjà vu, en quelque sorte. Même si l’ambiance change totalement, faisant basculer petit à petit l’utopie de la communauté dans l’acide malaise, la mise en scène et l’approche ne suivent jamais.

La liste des erreurs est longue : les personnages de la communauté qui sont arrivés au fur et à mesure ne servent que de décor, ne finissant qu’à être à moitié importants lors des scènes autour de la table (le personnage de Fares Fares est quand même résumé à parler bizarrement et chialer souvent…). Les trois personnages du triangle amoureux ne sont pas aboutis : il leur manque des attitudes supplémentaires pour éviter cette robotisation des sentiments et des émotions. Il y a également la fille du couple de départ : alors qu’il lui est consacré une romance également, elle n’est absolument pas développée comme il se doit. A aucun moment le film ne semble vouloir la concerner par la séparation de ses parents, ni par le paradoxe entre une romance qui coule et une autre qui émerge. Son point de vue face à ses parents et face à la communauté aurait une bien meilleure approche pour le long-métrage.

Enfin, on ne peut pas dire que Thomas Vinterberg ait eu des éclairs de génie dans sa mise en scène. Alors que le titre suggère un seul et même espace de vie, qui reste tout de même la source du bouleversement dans les relations entre personnages, il n’est jamais exploité comme il se doit. La mise en scène n’utilise en réalité que deux pièces de toute la maison, qui est pourtant assez grande pour créer un tourbillon et un labyrinthe où les personnages de la communauté seraient enfin concernés. Mais comme ceux-ci vivent tranquillement leur vie à côté de ce mélodrame, et même malgré cela, ils sont inutiles. La répétition des scènes autour de la grande table sont insupportables au possible, ne livrant aucune variation attendue dans les attitudes et les sensations. La scène entre la fille, son père et la maîtresse de celui-ci dans la chambre est d’une catastrophe absolue : tout va bien et expédié dans la meilleure des communautés.

Ce cinéma amer et surplombé par une sorte de compte à rendre, dégouline de mauvaise volonté. Esthétiquement, Thomas Vinterberg fait également son fainéant. Se livrant corps et âme à un mélodrame sans surprise, il en oublie d’explorer l’espace du malaise, et même de créer une identité formelle pour chacun de ses personnages. Filmés tous de la même manière, que ce soit les protagonistes du triangle amoureux ou les gargouilles décors de la communauté, le cinéaste ne crée qu’un seul rythme qui traîne du pas. Progressant au ralenti, la caméra et le montage balancent constamment entre la séparation et la réunion des corps. Or, alors que la gêne et la discorde règnent, il faudrait un semblant d’équilibre esthétique. Pour avoir un avis tranché sur la communauté, et en déterminer un véritable rôle dans ses moindres composantes.

LA COMMUNAUTÉ de Thomas Vinterberg.
Avec Trine Dyrholm, Ulrich Thomsen, Helene Reingaard Neumann, Martha Sofie Wallstrom Hansen, Lars Ranthe, Fares Fares, Magnus Millang, Julie Agnete Vang, Anne Gry Henningsen, Mads Reuther, Rasmus Lind Rubin, Sebastian Gronnegaard Milbrat, Oliver Methling Sondergaard.
Danemark / 110 minutes / Sortie le 18 Janvier 2017

2 / 5