Cannes 2016 / Quinzaine des Réalisateurs
Cette année, Joachim Lafosse, réalisateur belge, revient à la Quinzaine des réalisateurs (après y avoir présenté Elève libre en 2008) et au Festival de Cannes (après le prix d’interprétation féminine d’Emilie Dequenne pour A perdre la raison dans la sélection Un Certain regard). Avec un film moins âpre que les précédents, il propose une analyse du couple qui se disloque. Co-écrit avec notamment Mazarine Pingeot, le film est né d’une discussion sur la cherté des loyers parisiens et la difficulté des couples séparés à se reloger.
Marie et Boris se séparent mais vivent toujours dans la maison qui appartient à Marie mais que Boris a entièrement rénovée. Boris ne peut aisément trouver un autre logement étant donné ses faibles revenus. Ils sont contraints de vivre tous les deux dans cette même maison car aucun d’eux n’est d’accord quand il faut faire les comptes et chacun pense avoir apporté plus que l’autre ne l’envisage.
En revoyant la bande-annonce du film, je suis de nouveau subjuguée par la justesse des détails, ces petits mots, ces attitudes qu’on a lors d’une séparation ou bien même d’une grosse dispute. Ce qui me revient également c’est la délicatesse qui émane du métrage. Les comptes sont la métaphore de l’investissement personnel dans le couple, mais le choix de l’argent comme sujet central est un prétexte d’une intelligence folle pour raconter l’amour.
La grande force du film c’est de balader le spectateur pour qu’à chaque scène il change de camp. Finalement, il est difficile de prendre partie car le réalisateur lui-même n’a pas choisi. Chaque comédien devait d’ailleurs pouvoir défendre son personnage bec et ongles lors du tournage. On ressent bien cette hargne qui les anime. Ils se sont appropriés le scénario au point de le modifier pour que tout sonne juste pour eux. Le troisième point de vue sur cette histoire pourrait être celui des enfants, comme extérieur au conflit mais concernés par les dommages collatéraux.
Le lieu unique et le tournage en huit-clos impose une mise en scène fluide mais aussi une plongée dans l’intime et le quotidien. Les plans-séquences sont de mise et les personnages sont comme dans une cocotte minute prêts à exploser. Tous les sentiments sont exacerbés. Le réalisateur souhaitait que ses acteurs soient aussi libres et intenses que Elizabeth Taylor et Richard Burton dans Qui a peur de Virginia Wolf ?
Le réalisateur réussit le pari hautement audacieux de faire larmoyer toute la salle sur une chanson de Maître Gims, Bella ; un peu comme On ne change pas de Céline Dion dans Mommy. L’émotion qui jaillit de cette scène est inattendue et très intense. Finalement, tout le film est à l’image de cette scène, une surprise d’émotion, d’intelligence et de justesse.
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