Long Way Home

Premier film réalisé par Jordana Spiro, que l’on a pu voir dans THE GOOD WIFE, BLINDSPOT, OZARK du côté de la télévision et dans des seconds rôles au cinéma. L’exercice est louable, tant le sujet de LONG WAY HOME est difficile et profondément social. Cependant, malgré le grand coeur du fond, c’est la forme qui manque d’aboutissement et de proposition. L’exécution du geste manque d’intention formelle, qui ne permet pas au long-métrage de se démarquer, parce que ce type de sujet a déjà été vu mille fois au cinéma. Néanmoins, on peut retenir certaines bonnes choses de ce film. Notamment toute l’empathie et la compassion que Jordana Spiro offre à ses personnages principaux. Alors que Angel a été témoin du meurtre de sa mère par son père, aucun des personnages du film n’est décrit comme méchant. Chaque personnage est complexe, et ont tous le droit à être nuancés. Évidemment, il ne s’agit pas de trouver des excuses à des comportements impardonnables, mais LONG WAY HOME capte les corps avec un grand intérêt une réflexion sur son lien avec l’état psychologique des personnages. Tous hantés par un passé commun, leur corps sont soumis au traumatisme, à la transformation, à la séparation, à la confrontation et à un flottement d’espaces en espaces.

Les corps sont tendus, ils sont marqués par une froideur envers autrui, ils sont aussi marqués par le manque d’émotions, ils sont à la limite de se consumer entièrement, ils sont saisis par la distance entre chacun, et sont voués à plusieurs confrontations annoncées. Toutefois, c’est leur flottement d’espaces en espaces qui pose problème. Même si l’idée de ne pas pouvoir se fixer dans un espace est pertinente, trop d’espaces se multiplient dans le film. Le trop plein d’espaces tue la mise en scène, où par exemple l’évocation des fantômes du passé ne prend pas. Le film est porté vers l’espoir et l’horizon, et ne prend jamais le temps de réfléchir sur les fantômes du passé. Ce passé marque les corps, mais est toujours en contradiction avec les espaces (mis à part une scène à la fin du film, bouleversante à souhait). Le flottement formel se fait ressentir dans chaque séquence, où les espaces ne peuvent pas être mis en scène car ils ne sont finalement que des détails éphémères. Dommage, car même si le propos est à l’aventure, un nombre limité d’espace peut davantage apporter à l’ambiance pleine de traumatisme et de brutalité.

LONG WAY HOME a notamment une première partie plus sombre, et une seconde partie plus tendre. Mais les deux fonctionnent à l’identique dans la mise en scène, et ce flottement en masse des espaces. La survie des personnages s’effectue alors surtout par la parole, parfois crue et parfois touchante. Mais la parole est bien trop présente, et aurait mérité de faire place plus souvent au silence pour exprimer l’incertitude d’un parcours. Mais partout dans son film, Jordana Spiro fait preuve de complaisance envers ses deux personnages. Bien que l’empathie est une très bonne chose, elle ne trouve pas son contraire dans la mise en scène. Les seuls défis apportés aux personnages sont de deux ordres : l’incertitude d’un futur et la perte d’émotions. Sinon, aucun défi n’est intégré dans la mise en scène, les deux soeurs ne peuvent jamais projeter leur traumatisme et leur bataille pour une survie en dehors du passé. Mais Jordana Spiro arrive à combler cela par la lumière naturelle captée par son chef opérateur. Pleine de tendresse, la photographie du film parvient à ouvrir l’horizon vers un rêve, afin de rendre l’espoir à ses personnages perturbés. Joli film mais insuffisant.


LONG WAY HOME
Réalisé par Jordana Spiro
Scénario de Jordana Spiro, Angelica Nwandu
Avec Dominique Fishback, Tatum Marilyn Hall, Nastashia Fuller, John Jelks

États-Unis
1h27
13 Février 2019

3 / 5