J’attendais avec impatience ce second film d’Axelle Ropert, d’une part parce que j’aime beaucoup son travail (en tant que réalisatrice avec La Famille Wolberg et en tant que scénariste, récemment avec Tip Top), d’autre part du fait de son casting improbable : Louise Bourgoin (ex miss météo), Cédric Kahn (réalisateur reconnu) et Laurent Stocker (sociétaire de la Comédie Française).
Boris et Dimitri sont deux frères exerçant la médecine dans le 13ème arrondissement de Paris. Ils soignent les habitants du quartier et rencontrent à cette occasion la belle Judith grâce à Alice, sa fille diabétique. Les deux hommes vont tomber amoureux de cette espiègle madone.
Axelle Ropert nous offre un film aussi pluriel que ses personnages, au croisement de l’absurde (incarné par Serge Bozon, l’ami malade qui vit des situations rocambolesques), de la comédie (incarnée par Laurent Stocker, le frère alcoolique) et de la tragédie (incarnée par Cédric Kahn, le frère triste et brutal). On en sort rempli d’une douce mélancolie, plein d’empathie pour ses personnages.
Dévoilant l’essence du film, sa mise en scène montre une série de duos qui se ressemblent ou s’opposent. Les frères sont ainsi filmés dans les mêmes attitudes alors que le jour et la nuit se disputent. Le jour, les couleurs sont délavées, les scènes se déroulent souvent à l’hôpital ou dans le cabinet des frères docteurs où la couleur des murs est d’un bleu terne, comme leur vie. La nuit, les couleurs pétantes et les néons sont de rigueur, dans les bars, les restaurants, les appartements, sur Judith, oiseau de nuit toute vêtue de rouge.
Louise Bourgoin y est extraordinaire, aussi crédible en maman épuisée qu’en sexy barmaid. Cédric Kahn que je vois jouer la comédie pour la première fois possède une voix grave, rassurante et qui inspire une crainte, un respect. Il fait preuve d’une belle présence. L’alchimie entre leur deux personnages est forte. Leur duo offre des scènes d’une rare intensité, très émouvantes et pourtant familières (rencontre, déclaration, colère…).
Le sujet de la séparation est au cœur du film. Malgré la romance, on nous raconte l’histoire de frère peut-être trop liés. Leur amour pour la même femme fera une partie du travail de la séparation. Le film montre une succession d’ironies comme celle-ci où les ressemblances opposent et les oppositions rassemblent.
Inspiré et touché par une certaine grâce, Tirez la langue Mademoiselle peut sembler un film simple voire même vieillot. En réalité, il se révèle tout doucement être une petite merveille. J’en sors avec l’envie de garder ses personnages en moi pour un long moment.
4.5 / 5