Après avoir livré l’un des meilleurs albums de la décennie 90’ (si ce n’est même “ze album”) avec OK Computer , Radiohead était probablement l’un des groupes les plus attendus. Et c’est en octobre 2000 (techniquement, nous sommes encore dans le vingtième siècle, c’est vrai) que sort Kid A , ovni au départ, icône à l’arrivée, culte sur toute sa longueur…
Car Kid A achève de donner au groupe d’Oxford un univers particulier. Sombre bien sûr, énigmatique comme toujours (des visages se révèleraient en inclinant la pochette de cet album au titre curieux), et surprenant pour les fans, aussi bien ceux de la première heure que ceux qui ont trouvé Radiohead avec les morceaux phares de OK Computer (Paranoid Android, Karma Police, No Surprises, Lucky…). La rupture semble profonde, pourtant elle ne l’est pas tant que cela si l’on se souvient des expérimentations entendues sur Subterranean Homesick Alien, Climbing Up The Walls ou l’interlude Fitter Happier. Alors quand Kid A commence par Everything In Its Right Place c’est peut-être parce qu’effectivement les choses sont à leur place et que Radiohead veut rassurer l’auditeur en lui disant qu’il ne s’est pas trompé de groupe. Electro omniprésente, paroles répétées, mais surtout talent mélodique indéniable. Thom Yorke et ses accolytes ne pouvaient pas montrer de meilleure façon l’étendue de leurs capacités. C’est ensuite l’éponyme Kid A qui se charge de confirmer la tendance, une sorte de berceuse avec des rats et « des têtes sur des bâtons ». Car les paroles de l’album entraînent également l’auditeur vers des émotions plutôt que de réelles histoires, c’est la force d’écriture de Thom Yorke, c’est une façon directe de faire passer des messages par le biais principal de la musique au lieu des textes, qui vont donc à l’essentiel.
Suivent ensuite des plaisirs renouvelés avec une maestria différente à chaque piste. Le démarrage retentissant de The National Anthem, l’angoisse fantômatique de How To Disappear Completely adapté d’un livre du même nom mais rappelant également Le Cri de Munch (en peinture) ou Le Horla de Maupassant (en lecture). Même l’instrumental Treefingers (dans la lignée des interludes présents à chaque album du groupe) transporte son auditeur dans une dimension complètement autre. Puis l’on repart de plus belle avec Optimistic où paradoxalement l’électro n’est pas au premier plan mais le morceau est complètement inclus dans le coeur du disque. Nous parvient ensuite In Limbo, trop peu estimée à mon goût et qui pourtant constitue une descente vertigineuse dans des abysses et évoque un profond sentiment de solitude. Mais il est vrai que Kid A assène un véritable coup au monde de la musique avec probablement l’un des plus beaux enchaînements de morceaux de son histoire, le tandem Idioteque–Morning Bell, certes excellents pris de façon individuelle mais tout simplement grandioses dans leur continuité. Enfin, Motion Picture Soundtrack livre une chanson finale idéale (c’est à dire qu’elle remplit à la perfection sa mission de clôture d’album) comme un générique de fin de film, oui. Rallumez les lumières, l’obscurité de Kid A vient de vous éblouir. Levez-vous de votre siège, l’album vous a mis sur le derrière (pour rester poli).
5 / 5Il y a 33 autres articles à lire.