Masters of Sex : orgasme(s) en série

Vous venez de finir House of Cards, vous n’en finissez plus de languir de plaisir devant True Detective et vous rongez votre frein en comptant les jours qui vous séparent de GoT. Que faire donc de ce temps ? Top Chef n’étant diffusé que le lundi, il reste 5 jours à meubler. Pour calmer ces interminables atermoiements, quasi-sadiques, nous vous recommandons de recourir à Masters of Sex, l’un des coups de cul.. coeur de l’année 2013.

« What did you expect ? »

Masters of Sex, puisque c’est son nom, raconte l’histoire vraie de Williams Masters et Virginia Johnson, deux pionniers dans l’étude de la sexualité humaine et surtout de l’orgasme, sujet qui comme le Contrat Social de Rousseau, beaucoup en parlent sans en connaître sa teneur . Ne vous attendez pourtant pas à une débauche de foutre, ce « je t’aime en gelée » (Gaspard Proust).

La remplaçante de Dexter (ironie du sort un meurtrier est chassé par la petite mort) a beau commencer par une scène de sexe : le professeur Williams Masters observe par un judas une scène entre un homme et une femme;  le reste de l’histoire raconte comment la science a fait ses premiers pas dans un sujet méconnu. On prend du plaisir devant cette scène hautement symbolique qui rappelle comment la société des années 50 voyait le sexe : par le petit bout de la lorgnette, tout en se cachant sous le voile malhonnête de la morale et de la pudeur puritaine (ce qui n’est finalement pas sans rappeler la notre). Cette introduction est également là pour condamner justement non seulement le voyeurisme des gens de l’époque mais également le notre (oui, on vous a vu baver à la seule vue du mot sexe, y compris, toi, oui, toi, le petit versaillais en Cyrillus).

Derrière la noble volonté de retracer cette histoire d’o combien grande importance pour la science, il y a donc deux enjeux : tourner en ridicule le voile de la bien pensée puritaine et pointer du doigt notre propre voyeurisme, un paradoxe toujours en vigueur.

Une étude de genre

Annoncée en grande pompe comme le Mad Men du sexe, la nouvelle création de ShowTime s’est imposée comme l’une des meilleures nouveautés de la rentrée 2013/2014 (voire la meilleure) tout en déjouant les pronostiques . Ces deux séries partagent en effet les attributs de la série d’époque : costumes, lumières, photographie, rythme digne des meilleurs films de l’époque dont les références sont présentes. Toutefois, à l’instar de des couples de l’époque, elles font chambre à part. La remplaçante de Dexter n’a rien pompé à Don Draper. Masters of Sex porte toutes les caractéristiques d’une série de ShowTime : une écriture intelligente qui suggère plus qu’elle ne le montre, qui donne à réfléchir sur le sujet et la société (des ingrédients qui se sont certes perdus dans les dernières saisons de Dexter ou dans la saison 2 de Homeland – la fameuse).

Masters of Sex est en effet une analyse des années 50 où chacun était figé dans son rôle comme des automates avec le sexe comme révélateur et grille de lecture, car après tout, on se couche comme on fait son lit. Dans cette société bien ordonnée des années Eisenhower, la séparation est partout : gauche droite, homme femme, noirs blancs, et obéit à une morale toute puritaine, devant leur apporter bonheur et joie. Pourtant, les personnages sont tous au bord de l’implosion ; ils hésitent tous à céder à leurs envies. Cette séparation est portée par les personnages : ceux qui refusent leur nature, mentent et donc par conséquent sont malheureux malgré un rôle conforme à la morale et il y a ceux qui acceptent ce qu’ils sont, sont plus épanouis mais doivent faire face aux regards des autres. Les années 60 sont ici annoncées.

La saison 1 nous renvoie dans les années 50 à une époque où l’on faisait sa vie dans la même entreprise, dans la même ville, à côté de la même personne (on a dit côté, pas dans, la question de la pénétration étant taboue). En constatant le chemin parcouru depuis, le spectateur est alors lui-même partagé entre la frustration de voir une société si absurde faire grand cas de 30 secondes de bonheur et ravi de voir que cette période est lointaine. Cela laisse apercevoir ce que nos petits-enfants penseront à voir nos gesticulations de ces deux dernières années.

Un couple aux manettes

Une grande partie de la série est constituée par les commentaires des deux scientifiques qui regardent ce petit monde s’agiter derrière un miroir sans teint. Sauf que voilà, dans les séries, comme au cinéma, le miroir est un reflet de son âme et nos deux explorateurs du plaisir finiront par devenir eux-mêmes l’objet d’une recherche.

Sans porter de jugement, cette étude est gérée de main de maître par un couple : William Masters joué par Michael Sheen et Virginia Johnson jouée par Lizzy Caplan.

Tout d’abord, William Masters est porté avec génie par Michael Sheen. Qui aurait pu croire que l’ex de Beckinsale et à la liste de conquêtes aussi longue que celle de Lindsay Lohan puisse jouer un professeur débonnaire ? Avec beaucoup de justesse, il parvient à faire ressentir l’abime dans lequel se perd Masters, hésitant entre une vie bien rangée, propre, incarnée par une femme répondant à tous les stéréotypes de l’époque et une vie d’aventure, incarnée par son associée…

… une associée jouée par Virginia Johnson et s’avérant être la véritable révélation de la série ! Brillante, attachante, on passe par tous les états avec cette brune à la frange franche. ShowTime lui a taillé un rôle surmesure : celui d’une mère divorcée (statut aussi facile à vivre à l’époque que celui du fan de Céline dans une convention de lecteurs de Marc Levy) essayant de combiner : vie de famille, études, travail… Elle porte en elle toute la cause des femmes et les turpitudes d’alors (dont beaucoup ont demeuré présentes et demeurées – oui, j’ai été élevé par des femmes).

Voilà, vous l’aurez compris, Masters of Sex est une oeuvre d’une richesse et d’une compléxité impressionnante, d’où ce long article. Et s’il faut encore vous convaincre, on vous laisse avec le teaser de cette première saison, orgasmique à plus d’un titre.

4.5 / 5