Les séries de qualité sont ces dernières années légions sur nos écrans. Les séries exceptionnelles le sont moins. Si 24, Alias ou encore Lost (parmi tant d’autres) ont redoré le blason du petit écran au niveau du visuel, de la qualité du son et des images, de l’intégrité de l’écriture et de la technicité des réalisations, on peut dire qu’ils sont devenus des standards. Sleeper Cell arrive ensuite, pour livrer ce qui est aujourd’hui une denrée rare : un show à l’américaine, l’emballage compris, mais cette fois-ci sans a priori, sans fioritures. Une mini série de dix épisodes livrant un spectacle intelligent, risqué mais réussi.
La série est (était…) diffusée sur une chaîne du câble. On connaissait déjà HBO, dont la plupart des fictions correspondent globalement au paragraphe précédent. Désormais il faudra compter sur son alter ego : Showtime. Là n’est pas le coup d’essai de la chaîne, qui compte également Weeds ou Brotherhood. Un show de qualité sort de nouveau des chaînes privées américaines, tant mieux pour nous.
Sleeper Cell (cellule dormante) détaille l’infiltration par un agent du FBI d’une cellule terroriste en pleine élaboration. Au programme, réitérer une attaque sur le sol américain à partir de Los Angeles. Oui, 24 n’est pas loin. Seulement le traitement reste hyperréaliste. La petite touche qui apporte au programme : l’agent infiltré est lui-même musulman. De quoi apporter une divergence de point de vue, une réflexion sur le combat de ces « guerriers saints » pas si fous qu’on voudrait nous le faire croire, mais tout aussi aveuglés par leur lutte. On suit l’infiltration au bout de l’idée : entre mener une vie « classique », monter l’attentat et livrer ses rapports journaliers à ses chefs, notre personnage principal joue avec ses nerfs. Les nôtres étrangement, ne sont malmenés que petit à petit, alors que la date fatidique approche.
L’intelligence de cette série est toute simple : l’objectivité. On ne voit pas Jack Bauer régler leurs comptes à 42 terroristes mal rasés en 18 heures. Les dix épisodes de la saison se déroulent sur deux mois et demi. Si on exclut le petit côté « romance à deux francs suisses » pour satisfaire les midinettes (mais qui toutefois trouve sa justification et sa relative importance dans le récit…), l’écriture de chaque épisode dépasse le cadre des espérances du spectateur habitué. D’une part, on suit nos cinq moudjahidines (2 américains, 1 bosniaque, 1 français et un saoudien) échafauder leur plan, financer leur opération, surveiller leurs traces, se fondre dans la masse tout en essayant de camoufler leur activité à leurs familles (oui, ils ont des familles…). D’autre part, la réflexion vient toute seule sur ce combat, faire toute la différence entre la religion musulmane et les a priori. L’Islam et les extrémistes. La foi, la religion et le monde occidental. De plus, on apprend plein de choses sur la religion musulmane, ce qui personnellement m’a intéressé.
Voir les dix épisodes de Sleeper Cell permet de remettre les idées en place à ce sujet. Oui, les attentats du 11 septembre ont été perpétrés par des islamistes extrémistes. Ce qui ne veut pas dire que les musulmans sont des terroristes (d’ailleurs on en croise : nationalistes américains pur souche, mexicain trafiquants de drogue… Tout ce petit monde cohabite étrangement). Finalement, on se sent soulagé de voir que les USA ne sont pas une nation bornée. On se surprend comme le héros à s’attacher à ces hommes qui vont mourir pour une cause qu’ils croient juste. Car ce sont des hommes avant tout. Au delà, la série se permet d’effleurer la condition des détenus de la prison de Guantanamo, les conséquences des politiques arbitraires américaines (les balkans, la Somalie, l’Afghanistan…), les persécutions à travers le monde, le racisme évidemment… Tout cela sans forcément en arriver à une quelconque polémique, mais uniquement à montrer le vrai visage du monde d’aujourd’hui, et plus matériellement les dangers modernes (oui, voler des produits chimiques sur le sol américain n’est pas si difficile). On mettra une mention sur l’acteur principal, et son personnage à la tâche ardue : passer plusieurs mois en infiltration, donc dans le mensonge.
4.5 / 5