Abracadabra

Pablo Berger est le cinéaste qui nous a fasciné avec BLANCANIEVES. Du coup, il y a de quoi être très intrigué quand on arrive devant ABRACADABRA, plus extravagant et rempli d’une large palette de couleurs. Or, il aurait fallu s’arrêter sur BLANCANIEVES. Le cinéaste n’est plus aussi sérieux et rigoureux qu’avec BLANCANIEVES. Il s’amuse et part dans l’excès. Un cinéma du burlesque comme peut le faire Pedro Almodovar lorsqu’il est dans son humeur comédie, ou un cinéma du grotesque comme peut le faire Alex de la Iglesia. Mais en beaucoup moins bon. BLANCANIEVES nous disait que le cinéma espagnol peut offrir autre chose que les nombreux influencés par Almodovar ou par De la Iglesia. Mais Pablo Berger montre, avec ABRACADRA, que le cinéma espagnol n’est pas encore prêt à passer à autre chose.

Cette nouvelle génération de cinéastes espagnols semblent obsédés par le cinéma des « maîtres ». Alors, comme leurs idoles nationaux, ils filment la société espagnole dans une esthétique particulière, somme que l’on connaît déjà. L’emballage est tellement mal conçu, que ABRACADABRA laisse paraître toutes ses influences. Pablo Berger fait constamment le même film. Et comme ses compères cinéastes espagnols, il filme la société espagnole de son temps (ici, celle des années 2010). Entre paradis et enfer, il y a la crise économique et la détresse, il y a aussi l’individualisme et la misogynie. Même si Maribel Verdu y est triomphale, le film de Pablo Berger manque cruellement d’idées neuves, d’arguments qui osent renouveler un genre.

Toujours dans la dualité entre le bien et le mal, Pablo Berger les pose ici à égalité, avec comme postulat la nécessité de l’un pour que l’autre existe. Mais le cinéaste n’est pas un ton sérieux, son film est une farce sur la société espagnole et sur les relations humaines. Démarrant convenablement, la farce pose toutes ses bases dès le début en quelques scènes. Mais ni la narration ni le montage ne réussissent à creuser davantage en profondeur, et le film se positionne constamment sur manières démonstratives. Or, le rythme du film a besoin de beaucoup plus que cela, en sachant que la mise en scène doit composer avec une esthétique très clinquante. Même si elle peut paraître trop exagérée, l’esthétique exprime tout de même un point de vue de l’absurde bienvenue (dans la farce, vaut mieux trop que pas assez). Le rythme souffre aussi d’un scénarion trop bâclé : à force de sortir des grossièretés et un humour bien gras, le film s’essouffle vite et recycle éternellement ses idées du début.

Le plus pénible pour le film, est que Pablo Berger se perd dans son esthétique multiple. Au-delà de la palette de couleurs à l’origine de l’exagération, l’esthétique se dote de plusieurs références à plusieurs genres. Au lieu de les faire cohabiter, le film alterne les genres plus ou moins bien. ABRACADABRA comprend une romance qui s’épuise dès les premières scènes, un côté fantastique trop avare et bancal, une sorte de thriller psychologique qui n’a pas vraiment de forme ou de direction, et un visage comique paresseux fondé sur des rebondissements. Entre l’imaginaire et la réalité, Pablo Berger oublie de nuancer sa mise en scène, trop concentré à alterner entre l’action et l’émotion forcée. ABRACADABRA est alors réduit à un montage trop vif de son intention burlesque, sans prendre le temps de construire ce burlesque.

ABRACADABRA
Réalisation : Pablo Berger
Casting : Maribel Verdu, Antonio de la Torre, Priscilla Delgado, Javier Anton, Bea de la Cruz, Rocio Calvo, José Mata, Nacho Marraco
Pays : Espagne
Durée : 1h36
Sortie française : 4 Avril 2018

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