Le destin incroyable d’Angélique : une jeune fille aussi belle qu’insoumise, qui trouvera dans son amour pour Joffrey de Peyrac la force de combattre l’injustice et la tyrannie dans un siècle en proie aux luttes de pouvoir, aux inégalités et à l’oppression…
Près de 50 ans après, la comtesse Angélique est de retour sur nos écrans. Pour le plus grand plaisir des fans (dont je fais partie) ? Pas si sûr. Qui dit reboot (attention, ce n’est pas un remake, on remet les compteurs à zéro), dit nouvelle équipe. De ce fait, les absences de Michèle Mercier et de Robert Hossein se font ressentir. Si ce conte, adapté d’un roman d’Anne et Serge Golon, est remis au goût du jour, il y a bien deux raisons très apparentes à cela. Tout d’abord, tout succès a le droit à son remake/reboot un jour. A force, on ne les compte plus. L’intérêt étant de ramasser de l’argent, qui viendra grâce à la curiosité des connaisseurs de la saga d’origine. Ensuite, on pourrait croire que ce conte a besoin d’une nouvelle jeunesse. De se faire connaître d’un public plus jeune, non initié à la célèbre comtesse de Peyrac.
Pari à moitié réussi. La belle Nora Arnezeder est tout à fait sexy. Elle apportera un nouveau charme face à Michèle Mercier. Mais là où cette dernière combinait le sexy à la sensualité, Nora Arnezeder n’a que la beauté. Même si le film se révèle terriblement érotique à certains passages, que Ariel Zeitoun prend plaisir à scruter le corps de son actrice, on n’en perdra le fil. La force du personnage, combiné normalement à la sensualité, ne prendra à aucun moment son envol. A ses côtés, on a un Gérard Lanvin presque pathétique. Presque, car on s’aperçoit qu’il fait son maximum. Il est très notable que la direction d’acteurs vise le ras des paquerettes. Dès que Gérard Lanvin doit faire imposer la puissance et le caractère de Joffrey Peyrac, il manque de ténacité et de vivacité. Dans ces moments, on aimerait que Robert Hossein se révèle derrière un masque. Mais c’est bien Gérard Lanvin qui porte un déguisement. Avec sa balafre qui se voit à des kilomètres, sa perruque digne des moumoutes de Nicolas Cage, et ses vêtements super kitschs.
En quelque sorte, il est dommage de voir comment ni Nora Arnzeder, ni Gérard Lanvin ne rendent justice à leurs personnages. Leur charisme a été oublié au profit d’un cynisme renversant des épées bien molles. S’il y a bien deux surprises dans le casting, il s’agirait de Mathieu Kassovitz et Tomer Sisley. Ceux qu’on attend le moins sont bien présents. Ils portent à haut bras les couleurs de leurs personnages. Et on s’aperçoit qu’ils n’ont pas besoin de parler pour se faire comprendre. L’enjeu n’est alors pas à la découverte du conte, mais au minimum syndical pour refaire le conte dans les manières les plus classiques. On se contente d’avoir le numérique à disposition, et un réalisateur pas très inspiré dans la mise en scène.
Comme on a un film fait pour faire de l’argent, rien ne sert d’en faire des caisses. Pourtant, Ariel Zeitoun s’amuse à filmer ses images de synthèses et ses décors en carton-pâte. Là où les décors cheap des films de Bernard Borderie donnaient un certain charme aux films, ceux d’Ariel Zeitoun ne sont clairement pas utilisés. Les corps ne sont jamais en fusion avec l’espace. A chaque fois, on aimerait en voir un peu plus du fameux château de Peyrac. Au lieu de cela, on a le droit à plusieurs scènes dans la caverne de l’or. Or, on se fout de la richesse vantée de Joffrey Peyrac, c’est la vie qu’il mène avec Angélique qui nous intéresse. Malgré des volontés intéressantes dans le scénario de Philippe Blasband, Ariel Zeitoun n’en fera rien.
En parallèle des décors (presque) inutiles, il y a ces dialogues à avoir des fous rires parfois. On croirait que le conte a été transféré dans un théâtre filmé. On a l’impression de voir un mauvais Shakespeare, une sorte de Roméo et Juliette cheap au 18ème siècle. Sauf que, même si le tout se révèle très théâtralisé et assez mal interprété, la structure de l’intrigue et son ton en sont cohérents. C’est là tout le plaisir coupable de revenir dans l’univers de ce conte. Même si on se rend compte que cela est très (voire trop) moyen, le film provoque une petite intensité qui nous fait revivre l’un des plus beaux couples de fiction, qui nous replonge dans les films de Borderie.
Le ton est assez décalé, certes. Mais la réalisation de Ariel Zeitoun n’est pas du tout à jeter à la poubelle. Il ne faut pas chercher d’excuses pour enfoncer encore plus le film, et pour le justifier en Tout ou Rien. Car ça serait plutôt un film avec plein de nuances de gris. A tel point que la réalisation de Ariel Zeitoun se promène sur des oscillations très voyantes. Les gros plans et les plans rapprochés sont trop brutaux. Mais lorsqu’il passe dans des focales plus petites, et que le cadre englobe un champ plus large, il se montre plutôt intelligent. Malgré sa mise en scène assez niaise, il prouve que ses personnages passent avant tout. C’est l’univers d’Angélique qui est filmé, et non son simple destin. Et avec quelques plans supplémentaires, le réalisateur montrera que cette histoire reste dans l’actualité de notre époque, dans l’image de notre société.
Après, on ne pourra pas nier plusieurs soucis de choix au montage. Il serait intéressant de savoir si les 120 minutes furent imposées. Car le film est très condensé. Contrairement aux films de Broderie (dont la comparaison parait, au final, comme une évidence), des raccourcis sont pris. Si cela peut en choquer plus d’un, notamment parmi les fans, il en reste que le film suit une logique parfaite. Le rythme ne s’essouffle jamais, au point de bien garder son cap et son point de vue jusqu’à la fin. Sauf que, à faire trop de raccourcis, on en vient à regretter que certains points ne soient pas assez approfondis. Ariel Zeitoun ne prend le temps de rien, et veut tout dire en même temps.
Dans le montage, on pourrait apprécier les grandes dispositions de Ariel Zeitoun. Plusieurs plans séquences où la caméra tourne (ou virevolte), mais aussi plusieurs scènes où des plans rapides s’enchaînent. Voilà qui est assez agréable : ne pas se cantonner à une forme ordinaire. Dans les plans courts et rapidement enchaînés, on sent une volonté d’être partout à la fois. Autant dans l’action que dans l’esprit et le coeur des personnages. Dans les plans séquences, il y a la recherche de l’érotisme et du romantisme (à défaut de la sensualité). Sauf qu’il y a une sorte de gêne dans la synchronisation, complètement à côté de la plaque, qui nous ferait presque oublier les quelques éclats de mise en scène.
Finalement, ce conte n’a pas pris une ride, mais il faudra être plus rigoureux et plus imposant pour la deuxième partie. On attend donc Ariel Zeitoun et toute son équipe au tournant, pour découvrir cette Merveilleuse Angélique.
2 / 5