Réalisé par Volker Schlondorff. Écrit par Cyril Gely et Volker Schlondorff. Avec Niels Arestrup, André Dussollier, Burghart Klaubner. France/Allemagne. 90 minutes.
Le théâtre filmé, ou le théâtre au cinéma, est loin d’être une tare. Leurs connections sont vastes et ils se complètent. Peut-être ferais-je un dossier complet là-dessus, un jour. En attendant, Diplomatie prouve que l’approche théâtrale peut quand même apporter des sensations à l’aspect cinématographique. Volker Schlondorff (qui a réalisé le classique Le Tambour) nous offre un film qui reste en somme tout conventionnel, mais pas du tout académique. Le cinéaste allemand évite très bien le film pédagogique. A l’image du Lincoln de Steven Spielberg, c’est une leçon d’Histoire et un film humain que l’on a sous les yeux.
On ne peut se permettre de juger la véridicité des faits historiques. Peut importe l’utilisation des faits, l’important est que la leçon soit effectuée. Par contre, on peut juger l’impact des personnages mis en scène. Ici, Volker Schlondorff nous livre un film qui devient de plus en plus humain. A l’image des soldats de général qui tombent un à un, le pouvoir se met à tomber. Le caractère humain des militaires, soldats et autres prennent le dessus. Le pouvoir allemand s’affaiblit (les pilules que prend le personnage de Niels Arestrup) et le camp français se montre compatissant (l’histoire parallèle de la famille du général).
Mais surtout, malgré le face à face entre les deux personnages, Volker Schlondorff capte toutes les émotions de chacun. Alors que le combat fait rage dehors, tout ce huis-clos prend des allures personnelles petit à petit. En place des ordres, on y va de sa réflexion personnelle, et on juge soi-même la situation problématique de la capitale française. A noter le cadrage des deux acteurs principaux. A chaque champ / contre-champ, les plans rapprochés (et les quelques gros plans) les placent au centre de l’image. Leur stature imposante à chacun (la gueule d’André Dussollier et les gestes de Niels Arestrup) font de cette histoire un face à face en miroir.
Que ce soit Niels Arestrup ou André Dussollier, ils se rendent le texte coup sur coup. Entre général à l’autorité imposante, et un diplomate qui se veut modeste et doux ; il y a des dialogues fascinants. Le scénario ne mâche pas ses mots. Les mots sont très tranchés, et on n’hésite pas à vexer la personne en face de soi. A chaque réplique envoyée, c’est une volonté de prendre le dessus. Entre l’Occupation et le natif parisien, chacun montre son désir de supériorité. Avant tout, il y a l’enjeu de préserver sa place. Les deux hommes jouent leur dignité. Les charismes des deux acteurs nous le font ressentir à chaque seconde qui s’écoule.
Car, de minute en minute, l’intrigue prend de plus en plus d’ampleur. Dans sa mise en scène, on sent que Volker Schlondorff joue l’urgence. A voir la manière des deux acteurs de se déplacer. Comme un jeu du chat et de la souris, mais dans une cage prête à exploser à tout instant. Et plus les enjeux deviennent personnels, plus on en apprend sur les personnages. Une construction qui se fait sur une minuterie. Tout devient plus spontané, plus porté vers l’affect. Le montage, avec plusieurs plans courts (à noter qu’il n’y a aucun plan séquence), prouve la volonté d’avoir un rythme intense. Dans cette mise en scène de l’urgence, c’est l’angoisse que Volker Schlondorff porte à l’écran. Celle qui montre une peur pour des millions de civils.
Afin de laisser respirer ce rythme, cette mise en scène de l’urgence, Volker Schlondorff joue la carte de la grammaire formelle. Tout le cinéma est dans ce film. Dans sa forme, on y voit un mélange impressionnant de gros plans, plans rapprochés, plans moyens et plans d’ensemble. Les plans d’ensemble sur l’extérieur, sur le hall de l’hôtel ou sur la ville de Paris mmême, viennent aérer l’action. Comme si le film fonctionnait comme un train fantôme, où l’imprégnation dans le décor provoque une tension, qui se relâche le temps de quelques secondes pour l’air frais de l’extérieur.
Nous n’avons tout de même pas besoin de ces plans d’ensemble pour admirer l’esthétique de ce film. Tout d’abord, il y a un jeu d’ombre agréable. Tout à tour dans leurs manigances morales, ils font preuve de luminosité ou de noirceur. Des fois, il arrive même qu’en l’espace d’une seule phrase, les personnages passent de la lumière de la pièce à l’ombre de certains coins. Ensuite, le film agit comme un tableau vivant. On en revient à l’esprit pédagogique de l’intrigue. Les corps et les esprits en mouvement, dans des couleurs qui s’emmêlent, et dans une chorégraphie millimétrée. Comme le ballet d’une partie d’échecs, où le réalisme prend le pas sur la fantaisie esthétique. La tension vient de là.
Car niveau sonore, Volker Schlondorff reste modeste. L’ambiance est plus angoissante par le biais des acteurs, que par les coups de fusils que l’on entend en fond. Ils sont faibles à l’oreille, assez éloignés, et pas si nombreux. Ils animent plutôt le coup par coup comme un tambour qui joue le suspense. Le cinéaste allemand ne préfère pas non plus jouer sur la bande originale. Musiques traditionnelles du suspense, de la tension et du destin historique tragique. Et quand la délivrance arrive, Volker Schlondorff se lâche et les rues de Paris (devant l’hôtel) deviennent le théâtre d’une folie libératrice (noter le son des cloches de Notre-Dame).
Les références ne s’arrêtent pas à Notre-Dame. A la gloire de Paris ? Nous n’en sommes pas très loin. En passant de Napoléon III au général Leclerc, le spectateur sera servi en admiration. Volker Schlondorff clame ici tout un amour pour la capitale française. Entre la grandeur de la Tour Eiffle, la splendeur des Champs-Élysées, … mais aussi le son du quotidien des rues de Paris, avec ses commerçants et les habitudes des travailleurs.
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