Ecrit et Réalisé par Tony Gatlif. Avec Celine Salette, Rachid Yous, David Murgia, Aksel Ustun, Raphael Personnaz, Rachid Youcef. 104 minutes. France. Sortie française le 15 Octobre 2014.
Quand le film commence, on sent déjà le rythme désiré par Tony Gatlif. Caméra à l’épaule, une actrice qui court et un acteur sur une moto. La vitesse est mise à l’épreuve dans cette séquence d’ouverture, pour la terminer avec le thème de l’intrigue : l’amour. En effet, ces deux courses se terminent sur la rencontre des deux personnages, se prenant dans les bras et s’avouant leur amour. Le tout accompagné d’une musique dictant le rythme des pas et le rythme des roues. Une fois le générique passé, une nouvelle séquence surgit mais toujours avec de la musique. Tout le film sera ainsi, soulignant sa bande originale et sonore.
Des bruits de criquets dans le bois, des bruits de verres posés, des bruits de grilles traversées, … le film annonce un principe dont il est l’argument. En effet, le film se veut être partisan de l’importance de la musique au cinéma. Comme si la bande sonore est un détail conditionnant l’ambiance d’une scène. Comme si la bande originale est un élément de sensation vis-à-vis des personnages. Le problème, c’est que le film justifie toutes ses situations par la bande sonore et originale. Le son et la musique deviennent une priorité (d’autant plus que le réalisateur est également le directeur musical du film) là où le scénario pêche dans l’évolution. Il s’agit alors davantage d’un film d’ambiance, que d’un film de personnages avec une progression de la tragédie.
Surtout lorsqu’on s’aperçoit de la vanité des séquences qui entourent les scènes de danse. Le film contient de belles scènes de battle musicales, des chorégraphies envoûtantes sur fond de musique catalane. Ces chorégraphies sont correctes, où Tony Gatlif nous laisse percevoir l’énergie du corps dansant et l’exaltation des regards face au plaisir de danser. Cela dans des plans séquences, avec des plans plus ou moins larges, afin de créer une fureur entre les corps et les grands espaces de danses. Mais voilà, ces scènes de danse sont surement les plus intéressantes du film. Parce que dès qu’il doit aller vers l’écriture de la tragédie, Tony Gatlif s’enlise dans le romanesque et la caricature des personnages. De ce fait, les situations hors danse ne sont que du recyclage sans âme d’un déjà-vu. Il serait facile de marier WEST SIDE STORY et ROMEO + JULIET dans cette intrigue où la rivalité des gangs et le destin du couple sont dictés d’avance. Le spectateur n’a pas le droit, ni même le temps, de chercher à comprendre les personnages. Le spectateur est condamné à la contemplation des émotions.
Et ce n’est pas cet ange-gardien pantouflard (Celine Salette) qui va y changer quelque chose. La fausse psychologie installée autour de son personnage n’affecte en rien les autres personnages. Malgré la forte volonté qu’a Geronimo d’aider les jeunes du quartier, elle est enfermée dans l’enfer de la rivalité des deux gangs. Son seul moyen d’en sortir ? Manger des frites, chanter seule au volant de sa voiture, marcher sur le sable de la plage. Le film n’a pas envie de montrer le corps à l’épreuve. Quand la mariée (qui s’est enfuit de son mariage) déambule sur la plage en tenant sa robe, la caméra est loin d’elle. Quand des personnages sont blessés, la caméra ne les accompagne pas dans leur souffrance, … Le spectateur est enfermé dans la contemplation du fait, sans moyen de trouver une quelconque valeur du corps.
Tony Gatlif a tout de même quelques bonnes idées de mise en scène. La tragédie, l’amour, la liberté, la fureur et l’intolérance sont partout. De personnes vêtues entièrement en noir, au torse nu avec collier en or d’un rival, à la robe de mariée, en passant par les tags et les armes : ce sont les accessoires et le décor qui viennent définir le ton de l’instant présent. Le spectateur n’a pas besoin de chercher très loin. Dans l’usine abandonnée, on passe rapidement du message d’amour en tag, à la tragédie (en suspense grotesque) du lieu sombre et inconnu. Tout comme les grilles, détail mineur du décor, mais majeur dans le ton à apporter à une situation : entre l’absence d’issue et la sauvagerie à l’intérieur d’une cage.
Dans sa mise en scène et son esthétique, Tony Gatlif n’est peut-être pas très ordonné et précis. Mais en tout cas, il sait filmer la sensualité et le lyrisme. Le film est composé de la poésie noire d’une tragédie, puis de la poésie illuminée et colorée de la liberté et l’amour. Malgré le surrégime de la tragédie et du discours sur la tolérance, la liberté, Tony Gatlif démontre que la communauté gitane a ce potentiel de nous offrir du sensuel. Par le biais de la lumière, le réalisateur donne vie aux espaces et porte haut l’intonation musicale de chaque instant.
2.5 / 5