Cannes 2013 – Sélection Officielle
Découvrir de nouvelles terres de cinéma est toujours très intéressant. Découverte culturel, points de vue différents… GRIGRIS est un film venu du Tchad, et le seul africain en compétition. Et si beaucoup de choses positives s’en dégagent, on ne peut ignorer l’extrême maladresse de l’ensemble, abandonnant toute possibilité de comparaison avec le reste de la compétition.
Dans GRIGRIS, surnom du héros, le personnage principal doit jongler entre l’envie de gagner de l’argent, les pourboires lorsqu’il danse en public et le coup d’oeil vers une jeune femme désireuse de devenir mannequin. Dans tout ça, un ami malfrat l’embauche sur des petits jobs qui tournent mal… Pas de chance, mais de l’espoir dans GRIGRIS. En l’absence de réelles qualités esthétiques, le film se concentre sur l’histoire et ses avancées. Avec des personnages immédiatement sympathiques, on se concentre sur leurs interactions au sein d’une société peu connue.
Malheureusement les efforts pour ressortir les bons côtés du film ne peuvent effacer l’accumulation de faux pas : jeu hasardeux du casting, histoire sans réelle surprise, absence de mise en scène attirante, … GRIGRIS se veut fondamentalement honnête mais ne parvient pas à faire démarrer son récit. Et si on voudrait réellement l’aider, ce ne sera peut être pour ce coup ci.
CRITIQUE DE TEDDY
Écrit et Réalisé par Mahamat Saleh Haroun. Avec Souleymane Démé, Anais Monory, Cyril Gueï, Marius Yelolo. 101 minutes. France. Sortie française le 10 Juillet 2013.
Le film démarre sur une scène de danse, dans un bar sous grande afluence. Alors que Souleymane (surnommé Grigris) est paralysé d’une jambe, il se révèle être un excellent danseur. Et quand on le voit danser, on remarque qu’il s’éclate totalement et qu’il y est à l’aise. Il rêve d’être danseur, d’en faire son gagne-pain. Mais voilà, son oncle tombe malade. Le climax arrive rapidement, et bouleverse l’ambiance du film : la danse devient plus rare, la tragédie humaine fait surface. En effet, Grigris est pris entre le mélodrame et le film noir.
Ce n’est pas tant l’exploration des deux genres qui donne une force au film. C’est bien le regard universel que porte le cinéaste sur le peuple tchadien. A travers Grigris, MS Haroun filme un peuple qui ne vit pas entièrement dans le gris. Mais tout n’est pas noir ou blanc, c’est surtout la chaleur de la communauté qui suscite la puissance du propos. En mettant quelques secondes la dimension « film de gangsters » de côté, le film montre des tchadiens qui portent une joie évidente avec eux, aussi montré dans les rassemblements. Le mélodrame intervient alors à deux éléments du film : l’histoire d’amour entre Grigris et Mimi, puis l’hospitalisation de l’oncle de Grigris.
C’est ici que l’on peut noter le regard souverain porté sur le protagoniste. MS Haroun filme un personnage prêt à tout pour ceux qu’il aime, qui est prêt à courir de toutes ses forces malgré sa paralysie. Qui est également prêt à se sacrifier, se faire saigner soi-même, pour porter seul les responsabilités d’un acte peut-être répréhensible. La démarche de Grigris fonctionne comme un tambour sur lequel un musicien bat en rythme effrené. Le personnage ne baisse pas les bras, et va toujours de l’avant. Cet élan est une grande preuve de luminosité dans le regard porté sur le personnage.
Viens entre temps la dimension du film noir. Sauf qu’elle se révèle anecdotique, car diluée fortement dans le mélodrame. En effet, MS Haroun préfère filmer un personnage énergique et entraînant, que filmer une victime dont l’empathie du spectateur serait trop facile. De cette manière, le film ne manipule pas si facilement le spectateur, le laissant réagir seul aux situations évoquées. En attendant, le film déroule son intrigue (de film de gangsters) comme un obstacle à franchir pour la réussite. Grigris devra alors parcourir une longue quête, se faire remplir d’illusions, où la mise en scène promet plusieurs fuites face aux problèmes.
Dans son esthétique, le film prouve une chose : que l’austérité de la sécheresse peut amener une glorification des personnages. Que ce soit Grigris, Mimi, ou d’autres, les personnages tchadiens sont filmés comme des mythes, mais dans une douceur certaine. Seul problème, cette douceur vient provoquer quelques creux dans le rythme. On ne passe pas outre certaines répétitions (narratives ou espaces), malgré la flamme sulfureuse qui exalte la vie de chacun des personnages. Quelques fois, on aurait l’impression d’assister à une mélodie humaine.
Prenant à bras le corps le premier degré de son mélodrame et le premier degré du film noir, MS Haroun met les émotions à nu. Parce qu’en marriant la bande originale à l’esthétique filmant des mythes en douceur, le film nous livre explicitement les sensations des personnages. L’éloge de Grigris – réelle personne – est certain, et c’est ce regard vraisemblable (par le mélodrame et le film noir) et ce regard admiratif (l’élan que porte Grigris est fascinant) qui font de ce film un beau portrait.
3 / 5Il y a 56 autres articles à lire.