Pas de chance pour Bertrand Bonello, qui sort son Apollonide quelques mois à peine après une série de Canal+ intitulée Maison Close. Alors oui, ça n’est pas pareil, mais c’est un peu redondant. Ne créons pas de parallèle entre les deux, les histoires et les ambiances sont différentes. Et Bonello sait en créer, des ambiances. Dans son huis clos à la croisée des siècles (le 19e et le 20e), on a le sentiment palpable d’un malaise, et une atmosphère particulière.
Présenté à Cannes en mai dernier, L’Apollonide conte donc les derniers mois d’une maison de passe où les gentilhommes pouvaient à loisir venir se détendre ou profiter des bonnes grâces de quelques jouvencelles dont le quotidien se limitaient aux quatre murs de la maison. Sous la gouvernance de leur maîtresse, ces demoiselles entretenaient liaison ou partie de cartes avec quelques messieurs bien placés. Un havre de paix aux délices insoupçonnées, et aux tempêtes encore plus dévastatrices. Qu’il s’agisse des vices de leurs clients, de la pression de leur patronne ou des rivalités insoupçonnées entre travailleuses des plaisirs pour s’attirer les faveurs du « bon » client, la tension épidermique se transforme parfois en affrontement violent et éphémère. Les personnalités se dessinent, se combattent et retournent au travail. Les êtres humains s’effacent devant leur statut social ou leur ancienneté.
L’Apollonide est donc un portrait à plusieurs têtes d’une maison close à la fin du 19e, chaperonné par une Noémie Lvovsky froide mais pas forcément inhumaine. Si les tours de piste sont un peu répétitifs pour raconter tout cela (sur plusieurs saisons, plusieurs histoires pour plusieurs prostituées), Bonello multiplie les artifices pour tromper l’ennui, qui gagne malgré tout. Placer des splitscreens au milieu d’une atmosphère sombre et posée se révèle des plus audacieux, mais intervient plutôt comme une création grossière de montage qu’une récréation au milieu de cette tourmente en vase clos. Si l’Apollonide est donc un film sérieux et bien tenu, il y manque le souffle d’une histoire pour nous contenter. On préfèrera s’attarder sur les portraits de femmes, plutôt que sur l’ensemble.
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