L’astragale

Écrit et Réalisé par Brigitte Sy. Avec Leila Bekhti, Reda Kateb, Esther Garrel, India Hair, Jocelyne Desverchere, Jean-Charles Dumay, Zimsky, Billie Blain. France. 97 minutes. Sortie française le 8 Avril 2015.

Dès les premières images, Leila Bekhti initie la sensation du toucher entre le corps des acteurs et l’environnement dans lequel ils évoluent. En s’évadent de la prison, elle est allongée sur le sol et saute d’un mur. En se cassant l’os nommé l’astragale au pied, elle doit à nouveau ramper pour fuir. Au lieu de courir et d’avoir une caméra à l’épaule, les plans captent les mains s’agripper au sol pour avancer, et ces jambes qui doivent pousser. Le corps de Leila Bekhti se crispe et le rapport aux espaces est exposé. Durant tout le reste du film, il y aura de nombreux plans qui montreront ce lien. Que ce soit une réconciliation devant les vagues de la mer, ou être plaqué au sol sur le bitume suite à un vol, voire même se faire prendre en photo avec la lumière du soleil.

Pour unifier toutes les sensations, le Noir&Blanc fut choisi. Mais surtout, l’absence de couleurs à l’écran augmente l’impression historique. Car il s’agit d’un film d’époque, et le point de vue est placé dans la période traitée. Comme le film adapte une autobiographie, il y a un respect vis-à-vis des personnages. Le Noir&Blanc sert à ne pas différencier les approches, à travers la multitude de personnages. Chacun a le droit à sa séquence, à son moment. De plus, ce Noir&Blanc permet d’agir comme un souvenir, notamment grâce à la lumière très présente sur les visages.

Ce Noir&Blanc suggère également un autre retour en arrière. En se plaçant à l’époque contée, le film est comme un instant passé qui revient au présent. Il y a là un « hommage » à la Nouvelle Vague. Les moyens sont minimes et le naturel cause la douceur et l’élégance des scènes. La prose de Leila Bekhti, qu’elle soit directe ou en voix off, ces artifices dans les effets puis le travail sur le son : tout en contraste et annonçant l’image en avance. Il y a aussi cette fumée blanche qui s’ajoute à la silhouette de Leila Bekhti. S’animant doucement dans le noir des plans, la fumée est le symbole de ces instants volés.

Tous ces détails forment l’abstraction dans laquelle le film se lance. Que ce soit dans la narration ou dans le montage, tout est agencé pour offrir une forme autonome et libre. Les changements spatio-temporels, au montage, s’unissent par la lumière et lèvent le film vers la grâce de l’esthétique. Au niveau de la narration, le film joue sur les ellipses. Des instants volés, comme dit précédemment, pour mieux servir l’amour et la tendresse qui s’empare des deux protagonistes. Alors que le découpage, et donc le cadre, sont traités dans une épuration, le film fait preuve de poésie.

Le cadre permet aux acteurs d’avoir des corps qui se rapprochent. Renforcement de la sensation du toucher, par la mise en scène des regards hypnotiques. Ainsi, les attitudes peuvent changer rapidement pour les personnages. Aussi bien passer de la légèreté douce jusqu’à arriver dans l’énervement mélancolique. Ajoutons à ceci la musique qui apparait souvent, le film se regarde dans un lyrisme de chaque instant. Car chaque plan est traversé par l’amour, ou à la rigueur l’amitié. Mais ces moments intimes sont tous basculés dans une ambiance brûlante. Le montage et la lumière laissent l’impression que les situations peuvent exploser à tout instant. Quand un simple « bonjour » peut se transformer en plaquage au sol, quand une feuille de papier peut devenir le fruit d’une querelle et d’un câlin.

4 / 5
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