Le secret des Marrowbone

Dans les années 1950, une femme fuit son mari violent, et part vivre dans une autre maison avec ses quatre enfants. Mais la mère décède, et d’étranges événements se produisent dans la propriété (surtout dans la maison). Voici le postulat de départ du scénario du film LE SECRET DES MARROWBONE, réalisé par Sergio G. Sanchez. Celui-ci a collaboré avec Juan Antonio Bayona quand il écrivit L’ORPHELINAT ou THE IMPOSSIBLE. Passé à la réalisation, Sanchez ne cache pas des influences telles que Amenabar, Del Toro et Shyamalan. Le cinéma d’horreur hispanique est souvent très prometteur. Dans ce long-métrage, Sergio G. Sanchez articule assez correctement l’esprit de terreur.

Avec le thème de la famille divisée, la mise en scène se concentre sur le traumatisme de la suggestion. Un grand miroir recouvert, des escaliers qui paraissent interminables suivant le rythme de la démarche d’un personnage, et un regard toujours passionné vers l’extérieur. Toutefois, la mise en scène de Sanchez condamne les quatre enfants dans une maison qui les perturbe, aussi bien physiquement que psychologiquement. Autant le début du film explique une rupture totale du noyau familial, autant la suite tend à reconstruire une vie disparue. Il y a plusieurs scènes où les quatre protagonistes effectuent des gestes du quotidien comme jouer à un jeu de société, dresser une table, s’occuper du linge, etc. L’aîné (interprété par George MacKay) tente de reconstruire une vie de famille, des habitudes et surtout un bouclier.

Cette reconstruction agit comme une barrière face à un certain surnaturel qui règne dans la maison. Mais les protagonistes sont bien prisonniers de cette maison, ils sont toujours soumis à la terreur. Pourtant, le film permet à deux points de vue de se croiser. Il y a d’abord de conte fantastique, plein de fantômes qui sont la source des angoisses des personnages. Il y a notamment ce très beau plan, où l’un des personnages se réfugie sous une couverture blanche, filmé de la sorte qu’il soit isolé de tout le reste. Ce conte fantastique isole psychologiquement les protagonistes, tout en confrontant leurs corps à la terreur. Cependant, Sanchez arrive à intégrer quelques temps morts, quelques moments de répit. Avec la romance incluant le frère aîné, Anya Taylor-Joy est un atout intéressant, défiant la terreur fantômatique depuis l’extérieur, mais surtout par la présence concrète de la tendresse (qui renforce la croyance au mystère, via l’empathie).

Le film fait donc preuve d’une ambiance solide, s’accentuant autour d’une esthétique troublante. La cruauté du genre est maîtrisée en apparaissant que par intermittences, mais c’est surtout la lumière et le hors-champ qui composent principalement l’esthétique. Avec une lumière suggestive, suivant les regards, qui se concentre sur des détails qui perturbent les comportements (des éléments qui créent une rupture dans la volonté de reconstruction). Mais surtout, c’est le hors-champ qui joue un grand rôle. Il y a quelque chose du cinéma de genre britannique dans ce film, tellement on pourrait penser à REBECCA de Hitchcock, à LA DAME EN NOIR de James Watkins, à LA MAISON DU DIABLE de Wise (et tant d’autres). Donc dans la façon dont l’espace crée le trouble. Un espace qui se cache derrière une imagination du hors-champ. Ce qu’il y a dans le cadre n’est qu’un argument d’immersion (tel cette petite planque / cabane improvisée à l’intérieur de la maison). Or, Sanchez réussit à se détacher à l’horreur anglo-saxone, en n’hésitant pas à étirer ses séquences d’angoisses , et en refusant toute accentuation de la tension suggestive.

Malgré cet éloignement, le film n’échappe pas à quelques artifices. Pas avare en rebondissements, le film travaille trop d’ellipses inutiles et porte la confusion sur sa temporalité. De plus, le film contient une bande sonore bien trop accentuée, qui a trop souvent pour principe de combler ce qui échoue à la mise en scène. Il y a aussi l’artifice d’un drame à tiroirs, un rythme noyé dans le manque d’originalité pour un genre qui s’épuise. Les décors gothiques sont aussi un artifice qui tend à tromper l’oeil, alors que leur aspect n’a plus rien à prouver dans ce genre. Il y a également ce twist final, qui arrive trop soudainement pour surprendre, et qui fait surtout partie d’une idée très vieillie d’une conclusion du cinéma de genre. A ne pas oublier aussi : il y a Anya Taylor-Joy, qui même si elle joue toujours aussi bien, révèle qu’il y aura au moins une survivante (elle survit toujours dans les films de genre qu’elle tourne).

LE SECRET DES MARROWBONE
Réalisé par Sergio G. Sanchez
Casting : George MacKay, Anya Taylor-Joy, Charlie Heaton, Mia Goth, Matthew Stagg, Nicola Harrison, Kyle Soller, Tom Fisher, Myra Kathryn Pearse
Pays : Espagne
Durée : 1h50
Sortie française : 7 Mars 2018

3.5 / 5