On savait Bertrand Bonello maître des films à ambiance, aussi désireux de restituer réalisme détaillé (SAINT LAURENT) qu’atmosphères fantasmées (L’APOLLONIDE). Le réalisateur s’offre avec NOCTURAMA un autre challenge. En suivant une bande de délinquants dans les rues de Paris, dans une étrange ronde dévastatrice, il sort un film répondant à de terribles actualités, tout en proposant son propre univers. Intriguant.
Attention, avec NOCTURAMA Bonello se force lui-même à perdre pieds. Il offre une expérience curieuse, à laquelle à il faut assister, voir s’y perdre, tout le sont ses protagonistes. En deux parties, il suit le pendant et l’après acte terroriste. Un acte venu de l’intérieur, qui s’effectue en plein Paris pour finalement se terminer au coeur d’un grand magasin. Après avoir répondu à leur malaise social, les héros du film, en pleine perdition, s’enferment dans un symbole du consumérisme actuel. L’ironie est totale.
NOCTURAMA est un spectacle à deux temps où le spectateur reste figé. Par la force d’un Bonello parvenant à construire une danse avec son propre tempo, ses pauses, ses accélérations, ses aller-retour temporels (entre flashbacks, scènes vues et revues) et ses deux tableaux en complète opposition. Par aussi la comparaison impossible avec les évènements réels, par l’envie de ne pas croire en l’objet politique. NOCTURAMA est loin de la réalité, et se vit comme l’expérience d’une jeunesse perdue au coeur d’une société sans repères. Et pourtant, on ne pourra s’empêcher de penser aux dernières actualités, aux images de télévision dans le cheminement des ses jeunes adultes livrés à eux-mêmes.
Malgré lui, le film s’inscrit dans un contexte mais tente de s’en isoler. Le portrait par Bonello d’une certaine génération se veut plus global, métaphorique. Dans sa tentative de déconstruction filmée, le réalisateur parvient à nous perdre dans les méandres de ses intentions. Fascinant.
3.5 / 5