Écrit et Réalisé par Hong Sang-soo. Avec Jung Yu-mi, Sun-Guyn Lee, Jae-Yeong Jeong, Sang-Jung Kim, Min-Woo Lee, Ye Ji-Won. 90 minutes. Corée du Sud. Sortie française le 9 Juillet 2014.
<< Sunhi, jeune diplômée en cinéma, demande une lettre de recommandation à Choi, son professeur. Sur le chemin de l’université, elle tombe sur son ex petit-ami Munsu et quelques jours plus tard elle rencontre Jaehek un réalisateur qu’elle fréquentait auparavant. Ces retrouvailles sont autant de tentatives pour Sunhi et ces trois hommes de se chercher, de se trouver et de comprendre qui est réellement Sunhi. >>
Le nouveau film de Hong Sang-soo a quelques airs de ressemblance à son précédent. HAEWON ET LES HOMMES avait aussi une héroïne mystérieuse. Haewon avait également des hommes qui lui tournait autour. Il y a toujours cette course face à l’amour. Ce sentiment qui traverse ces deux films fait le plein d’émotions. Hong Sang-soo, dans son goût de la répétition, nous livre encore de la tendresse, de la poésie et de la mélancolie. Les deux héroïnes sont les points centraux des films, comme le noyau qui permettra aux électrons (les hommes) de se lâcher. Grâce à (voire à cause de) Sunhi et Haewon, les hommes se dévoilent. Comme si ces deux films forment un diptyque siamois.
Hong Sang-soo tient énormément à ses effets de répétition. Et ça se voit. Cela lui permet d’amener un brin de burlesque, mais surtout une patte ironique dans ses sujets. Ses personnages sont parfois dans l’excès, avec des soupçons d’embarras. Si Hong Sang-soo a choisi de porter un regard ironique (presque comique, car drôle à de multiples reprises), c’est pour mieux dresser un portrait particulier des hommes. Contrairement à HAEWON ET LES HOMMES, où la dérision accompagnait le spleen, SUNHI conjugue l’ironique et le sinistre. Les hommes décrits ici sont tous pathétiques à leur manière. Chacun proches de tomber au fond du gouffre, ils sont confrontés à la vieillesse, la perdition et la dépression.
Ce qui manque pourtant à ces portraits masculins, ce sont des attitudes conséquentes. Quand les plus grandes révélations font surface, les personnages sont statiques. Soient en train de parler tranquillement dans un temple, soient assis autour d’une table, etc… Il n’y a aucune conjugaison entre le texte et les attitudes. L’incarnation physique des hommes que décrit HSS est à l’image de Sunhi. Fantomatique. L’amour prend une place importante dans le film, puisqu’elle est la source de toutes les situations et les révélations. Mais l’amour reste enrobée d’un tas de mystères. Sunhi est une demoiselle dont on ne connait pas grand chose. Et toutes les angoisses des hommes vont ressortir à travers cela. L’amour devient alors un mystère. Où, apparemment, il suffit d’aimer, pour ensuite creuser (pour se chercher) et de boire (car on ne trouve que du pathétique).
Ainsi, avec des attitudes fantomatiques et un texte qui prend toute la place, HSS reste modeste sur la forme. Dans sa mise en scène, il s’agit de déballer le texte en une seule fois. Aucune coupe, les plans séquences font tout le travail. La caméra n’est alors qu’un simple témoin des actions. La caméra ne sert qu’à transmettre les situations assez statiques. Le seul rythme à concéder au film ne vient pas du montage. Avec tous ces plans séquences, HSS trouve son rythme dans sa fameuse répétition. Sunhi nous fait miroiter à travers les personnages masculins, et HSS répète cette idée en trois exemplaires. Pour un final réunissant les hommes, où l’ironie prend son point culminant, et où le mystère retombe dans son extrémité absolue. On pourrait même dire que la scène finale suffit en elle seule.
Ces plans séquences ont bien un petit intérêt. Celui de l’impossible point de retour. Même si l’absence de découpage est vite lassant, il y a dans ces plans séquences à répétition une certitude. Celle des personnages masculins, qui sont confiants malgré tout. Sûrs de résoudre le mystère, sûrs de parvenir à résoudre leur image pathétique. En vain. Toute ces répétitions pour finir en boucle infinie. 90 minutes dans une absurdité complète, où HSS semble s’amuser à nous contrarier de sa répétition qui ne résout rien. Jusqu’à utiliser la même chanson pendant tout son film. Une chanson d’amour qui revient à de nombreuses reprises. Une répétition qui vient ternier l’ambiance sonore du film. Alors qu’il adopte des répétitions pour intégrer plusieurs approches, HSS utilise toujours la même chanson. Pourquoi ?? Mais voilà, cette chanson a un léger avantage. Utilisée toujours à un bon moment, elle vient définir la mélancolie d’une situation, sous forme de ballade perdue infinie.
Même si le film n’a pas l’intention de prendre un chemin, ou n’a pas l’air de vouloir progresser, cette stagnation a un avantage. Celui de la multiplicité des représentations esthétiques des personnages masculins. Parmi ces trois personnages masculins, ils ont une approche visuelle bien différente. Tout se joue sur les couleurs et la lumière. Quand l’un se confond à la luminosité des espaces verts, un autre vit dans l’obscurité totale, et un dernier indifférent car il se fond dans la course de l’espoir. Chacun de ces trois hommes traduit toute la mélancolie ironique des événements. Alors que le soleil brille partout à l’extérieur, les couleurs et les teintes sont dignes d’un automne. Les manteaux et les accessoires ont des couleurs ternes, c’est le milieu parfait pour l’intrigue. Sunhi et le soleil se confondent, mais les personnages masculins cherchent à fuir le mystère, à l’ambiance digne d’un automne. Par son esthétique, le film traduit un changement d’humeur comme un dérèglement du temps en pleine saison.
Ainsi, avec les hommes autour de Sunhi, c’est la définition même de l’expression « le monde est petit » (d’où le plan final où les hommes se retrouvent). Comme si ces personnages ne sont que des poussières dans un monde absurde. Des êtres volatils, fragiles et désespérés. Sunhi ne devient qu’un prétexte à l’ironie. Elle est présente physiquement, mais absente des émotions. La tendresse et la mélancolie se mélangent, pour mieux transposer toute la poésie de l’amour. Là-dedans, on peut y trouver un effet technique de la part de HSS. Dans chaque instant de tendresse et de mélancolie, le cinéaste sud-coréen utilise des zooms. Qu’on ne vienne pas me parler d’élément d’absurdité, car l’effet produit est dégueulasse. Les zooms, c’est laid. C’est pour cela qu’il existe les travellings avant.
3 / 5