The Happy Prince

FESTIVAL DU FILM BRITANNIQUE DE DINARD 2018 – Compétition

Il y a comme ça, des projets cinématographiques qui viennent d’une envie d’acteurs. Récemment, on peut penser au surprenant western très intimiste THE SISTERS BROTHERS de Jacques Audiard, commandé par l’un des acteurs principaux John C. Reilly. Avec THE HAPPY PRINCE, cela va plus loin. Rupert Everett nous donne la même sauce que Ben Affleck, qu’Albert Dupontel, qu’Yvan Attal, que Clin Eastwood, que Kenneth Branagh, etc… : ces acteurs qui deviennent réalisateurs en un claquement de doigt. Mais surtout par passion, au point même que certains d’entre eux (dont Rupert Everett) se mettent à jouer le rôle principal dans leur propre film. Alors, est-ce un excès d’orgueil, ou de la pure passion ?

Le principe de jouer dans le film que l’on a réalisé, que ce soit un petit ou un grand rôle, n’est évidemment pas un problème. C’est le traitement de la double casquette qui peut poser un problème. On ne pourra jamais rien reprocher aux magiques caméos d’Alfred Hitchcock dans ses propres films. Cependant, Rupert Everett est loin d’avoir le point de vue aussi modeste. Nous serons loin de le congratuler comme la performance de Daniel Day-Lewis dans le LINCOLN de Steven Spielberg. Dans THE HAPPY PRINCE, le maquillage est si présent et mis en avant (les prothèses sont aussi horribles que sur Gary Oldman en Churchill dans DARKEST HOUR), que Rupert Everett se situe entre le plaisir de la performance (la mise en avant de soi) et l’hommage qu’il effectue à l’auteur Oscar Wilde. Le grand soucis de la performance de Rupert Everett, est qu’il veut trop en faire pour s’attribuer les éloges. Ainsi, son plaisir de jouer et son hommage transforme sa performance dans le maniérisme et l’imitation.

Il ne faut pas oublier que Rupert Everett n’est pas seulement devant et derrière la caméra, il a aussi écrit le scénario. Une commande totale de sa part. On se saura probablement jamais si la production lui a infligé une grosse pression concernant le rendu, mais celui-ci se retrouve bien trop lisse. Rien que dans le scénario, l’enchaînement est bien trop académique, avec un rythme classique de la chute entrecoupée de quelques flashbacks pathos et de quelques images illusoires inutiles. Le scénario est noircit une bonne part du plaisir que prend Rupert Everett, tant la parole prend le pas sur une mise en scène bien trop sage. Cantonnée à la volonté de la performance absolue, la mise en scène s’enferme dans des idées scolaires. Les déplacements sont minimalistes, et les mouvements laisse le regard du spectateur aller vers là où il est attendu.

Sauf qu’à trop suggérer sa mise en scène, ou même à la surligner, le cadre n’a plus trop de valeur. Bien trop occupé à jouer sa performance absolue, Rupert Everett fait de ses cadres les témoins amoureux de sa performance, sans pour autant être amoureux de chacun de ses personnages. Les personnages secondaires s’enchaînent, s’échangent les séquences aux ellipses monstrueuses, juste pour que le cadre capte tout le travail d’acteur de Rupert Everett, et toute l’énergie qu’il met dans sa mise en avant. Et malgré si le décor est bien beau, il est trop peu au service d’une ambiance qui se transforme petit à petit. Au niveau du décor, le film fait juste le travail minimum. Mais au niveau de l’ambiance, Rupert Everett a tout de même réussi à insuffler une reconstitution qui a du caractère dans chaque mouvement. Par son montage aux nombreuses coupes, Rupert Everett arrive à montrer le traumatisme d’un homme (par delà le génie artistique qu’il était) et la folie d’une époque dans laquelle le protagoniste est en marge.

THE HAPPY PRINCE
Réalisé par Rupert Everett
Scénario de Rupert Everett
Avec Rupert Everett, Colin Firth, Emily Watson, Colin Morgan, Edwin Thomas, Tom Wilkinson, Anna Chancellor, Julian Wadham, Béatrice Dalle
Royaume-Uni / 1h40 / 2018

2.5 / 5