Ton Absence

Écrit et Réalisé par Daniele Luchetti. Avec Kim Rossi Stuart, Micaela Ramazzotti, Martina Gedeck. Durée 106 minutes. Italie. Sortie française le 28 Mai 2014.

<< Rome, été 1974. Guido est un artiste qui aimerait faire partie de l’avant-garde contemporaine. Sa femme Serana, qui l’aime passionnément, a du mal à accepter son art et surtout son intérêt pour ses modèles. Leurs fils, Dario et Paolo, dix et cinq ans, sont les témoins de leur irrésistible attraction, de leurs échecs, de leurs trahisons. >>

Tout commence par une scène de présentation illustrative. Déjà, l’exposition est trop courte. Mais elle se fait par une narration en voix off. On y présente le père, la mère, le frère cadet, mais avant-tout soi-même : un jeune garçon de dix ans. Et même, tout au long du film, avec l’utilisation de cette voix off, on comprend l’effet autobiographique du film. Dans la voix du jeune narrateur, on sent que tout est vécu. Le réalisateur fait donc un film personnel, parle de sa propre vie, filme ses propres ressentis à travers un jeune acteur. Cette… première scène n’est pas choisie par hasard. Le jeune garçon de dix ans est présenté à l’écart de sa famille. Alors que son père, sa mère et son frère cadet sont autour d’une table, lui se promène sur le quai au bord de l’eau. Le découpage nous montre d’abord le jeune garçon, puis la famille, pour finir sur un plan d’ensemble où les quatre membres sont dans le champ.

Ce troisième plan est comme le postulat imagé de tout le film qui va suivre. Daniela Luchetti nous filme une famille qui connait plusieurs sensations. On nous offre une famille unie, aimante, et qui se respecte. Mais surtout, on assiste à une famille collante, très présente. Le réalisateur italien joue beaucoup sur la proximité des corps. Entre les scènes des parents dans leur lit conjugal, les câlins des parents à leurs enfants, les souvenirs filmés en super 8, les scènes où l’on danse, où l’on court pour s’attraper, etc… Mais avant tout, Daniela Luchetti filme l’amour.

La famille, pendant une bonne partie du film, fonctionne comme un tout. Chaque membre fait partie d’une bulle, où l’amour est le maitre mot. Le grand problème décrit, c’est le chaos perpétuel qui se présente face à cette famille. Avec cette proximité, on comprend que la bulle menace de s’éclater, que le gouffre n’est pas loin. Evidemment, ce film est fait pour que le chaos arrive à un moment. Ce n’est pas une simple chronique, c’est un vrai récit personnel, où les sentiments du cinéaste fondent l’avancée de l’intrigue. Le problème de ce récit, c’est que l’explosion de la bulle ne se traduira pas formellement. Le bouleversement de la famille se fera par le texte. Beaucoup de paroles, beaucoup de non-dits entre les personnages. Entre la trahison, les tromperies, les mensonges, … beaucoup trop de fond à exploiter formellement.

C’est bien là tout le défaut du film. Il est même très conséquent pour tout le reste du film. Déjà que le bouleversement se fait seulement par le texte, les conséquences et les changements ne combleront pas ce manque. La forme est étonnamment linéaire. Quelques fulgurances feront surface, mais trop courtes pour réellement entrer dans le film. L’illustration de l’exposition semble être la principale idée esthétique du film. Une lumière maitrisée mais trop transparente, les décors sont minimum et totalement secondaires, les couleurs semblent fonctionner à l’aléatoire. On croirait vraiment être devant une simple photographie de famille que l’on brûle petit à petit.

Dans son découpage et son montage, l’idée de mise en scène est bien présente. La volonté de rupture est bien appuyée. La proximité des corps se rompt au fur et à mesure, et l’errance s’incruste de plus en plus. L’errance qui se traduit rapidement comme une perdition (aussi bien physique que psychologique), dans un montage qui alterne les deux points de vue du récit. C’est l’un des avantages du film. Le réalisateur, tellement fasciné par le sentiment de l’amour, choisit d’adopter le point de vue de la mère, et celui du père. A cet instant où le choix est effectué, Daniele Luchetti sait que (dans son découpage) il peut adopter plusieurs directions. A savoir, explorer l’amour via les deux parties qui subissent les conséquences du bouleversement.

Mais voilà, ces deux perditions explorées n’ont le droit à aucune approche de la part du cinéaste. Daniele Luchetti adopte effectivement deux points de vues parmi ses personnages. Mais la seule fois où il apportera sa patte dans ces points de vues, c’est dans la narration en voix off. Dommage… L’autre fois où le réalisateur amènera sa patte dans l’approche, c’est dans ses autres éléments de fascination. On sent un réalisateur tout aussi fasciné par les corps et les regards. Ses acteurs sont au coeur du film, c’est ici un vrai film de personnages. Car la priorité du film, c’est tout de même filmer physiquement ses acteurs. De là, les personnages existent complètement et simplement par leur présence. Car Daniele Luchetti filme la construction et l’utilisation du corps des personnages. Puis, il filmera leurs regards qui traduiront leur point de vue.

Dans ce film, les corps et les regards sont la traduction physique des perditions respectives. Ces perditions sont traduites, dans le récit scénarisé, par des désirs et des questions. Comme le désir de réussir qui se termine par un échec (le père). Mais aussi comme le désir de garder un lien sentimental fort, qui finira par une rupture et une quête de soi-même (la mère). Mais voilà, le bouleversement de la bulle familiale, ainsi que les perditions, ne seront pas le fruit de passions dévastatrices. Le film manque cruellement de passion dans ce qu’il traite. L’amour est exploré, mais c’est une ambiance tragique et hystérique qui règne. Dans ce qu’il filme, Daniele Luchetti fait progresser son intrigue par la violence physique. Le film est le fruit d’un déchainement personnel, des émotions dures et froides. Le film contient trop peu de fulgurances chaleureuses.

3 / 5
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