Le nouveau film de mon réalisateur français préféré est en compétition à La Quinzaine des réalisateurs cette année. D’habitude, il est en compétition officielle (avec déjà cinq sélections on peut parler d’habitude), mais là, on le retrouve en sélection parallèle. Entre nous, mes tops des deux années précédentes venaient de cette sélection parallèle (Whiplash en 2014 et Le Congrès en 2013). Je dirai donc que c’est une excellente nouvelle car Arnaud Desplechin nous livre un excellent cru. Peut-être enfin le sacre sera de mise ? Car oui malgré son génie, il n’a jamais gagné chose à Cannes.
On retrouve Paul Dédalus qui revient du Tadjikistan et qui se souvient de trois moments de sa jeunesse : son enfance et la folie de sa mère, son adolescence et son escapade en U.R.S.S. puis son entrée dans l’âge adulte et sa folle romance avec Esther.
Arnaud Desplechin semble proposait avec ce neuvième film un préquel à Comment je me suis disputé… en racontant notamment les dix ans d’amour entre Paul et Esther qui sont son postulat de départ. Mais comme souvent dans ses films, beaucoup de ses personnages se croisent (Par exemple ici, Abel son père et Ivan son frère était déjà présent dans Un conte de Noël, mais étaient respectivement le grand père et l’oncle de Paul Dédalus, alors campé par le jeune Emile Berling). On aurait de quoi être un peu perdu avec tous ces noms et personnages qui se ressemblent.
Revenons à l’essentiel : ce l’on retient au sortir de la salle de cinéma c’est cette bouffée de nostalgie et une nouvelle ode à la famille, au sens large, et aux sentiments nobles. Le cousin, quelque soit son nom, est un pilier fondamental, la fratrie nécessaire, l’amitié et l’amour absolus. Avec une logorrhée propre à son cinéma, mais presque adoucie (pouvant faire bourgeois parfois mais tendant vers le romanesque ici), le réalisateur filme des personnages entiers qui malgré leur jeune âge tentent tout pour faire de leur vie un moment exceptionnel. D’ailleurs Esther l’affirme sans complexe à Paul dès leur premier échange : « Je suis exceptionnelle ». Je vois de la beauté dans tout ça et cette noble beauté me touche au plus haut point.
Chacun des trois chapitres est mis en scène avec une particularité. La première réminiscence nous donne des frissons et s’apparente parfois à un film d’horreur, notamment lorsque Paul, pour protéger sa fratrie, défie sa mère folle. Le personnage est un héros même du haut de ses six ans. Dans le second chapitre, Paul est un espion. Tel un James Bond adolescent, il brave la dictature communiste pour la liberté des Hommes. Ce segment est filmé comme un thriller et nous distille un suspense inhabituel chez le cinéaste. Le troisième souvenir, la romance épistolaire, est finalement la majeure partie du film mais aussi la plus audacieuse à filmer. Il utilise le face-caméra qu’il affectionne tant et dans ce contexte ça fonctionne encore à merveille et s’offre aussi un joli split screen pour illustrer son propos sur la famille et l’amitié.
Les deux acteurs principaux du films Quentin Dolmaire (Paul adolescent) et Lou Roy-Lecollinet (Esther) sont très touchants. Ils ont réussi à capter ce petit quelque chose qu’il y avait dans le jeu de Mathieu Amalric et Emmanuelle Devos (Les Paul et Esther de Comment je me suis disputé…) tout en apportant une jolie candeur à ces personnages.
Depuis Jimmy P., Arnaud Desplechin a encore mûri. Il est plus précis, plus concis mais garde l’essence de son cinéma et élève des personnages simples de prime abord en héros, de leur propre vie. Je les admire.
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