Venice VR, une île pas si virtuelle pendant la Mostra

 

Venice VR

Depuis 2017, la Mostra de Venise (le plus vieux festival de cinéma au monde) propose un vrai rendez-vous aux créateurs dédiés aux mondes virtuels. Installations & projections VR se succèdent dans un écrin en marge du Lido ; un vrai espace offert à la discussion et la découverte de ses nouvelles écritures pour les professionnels et le grand public.

Après une première année sous forme de test, 2018 marque la confirmation de ce rendez-vous. Venice VR a su réunir une communauté artistique mondiale, qui s’est fortement déplacé pour rencontrer les équipes de films et leurs expériences, mais aussi un public italien désirant découvrir de nouveaux univers.

Du virtuel au physique, il n’y a qu’un pas

Si la création VR/AR se développe fortement depuis 6 ans, l’impact des installations sur les simples films aura marqué Venice VR. A côté d’une sélection artistiquement riche, ce qui conforte la diversité également noté à VR Arles (lien), ce sont les projets incorporant décors réels et comédiens en direct qui ont marqué les esprits. Des français Backlight avec ECLIPSE (escape game déjà disponible à Paris) ou DV group qui présentait le concept THE HORRIFICALLY REAL VIRTUALITY ramenant Ed Wood sur le devant de la scène, UMAMI de Tiny Planets qui vous place face à un dîner japonais plein d’enjeux, VR_I du suisse Gilles Jobin vous emmène danser face à des géants… L’interactif devenait réellement physique !

DV group Venice VR

C’est peut être le fantasme de l’industrie aujourd’hui : faire participer le spectateur. Les possibilités ne sont pas toujours infinies, les manipulations quelquefois limitées mais on entrevoit ici et là de quoi emmener le public au coeur des expériences. Fini la passivité du public : le nouveau medium VR se détache complètement de ses cousins grand ou petit écran pour proposer quelque chose de complètement différent, tout en trouvant complètement sa place dans les grands événements déjà existants. Créateurs virtuels et cinéastes, les ponts existent déjà. Et l’équipement nous libère petit à petit de ses contraintes techniques : place à la création avant tout !

De tout cela se détache également l’idée du modèle économique. Des contenus disponibles sur les Stores (une partie de la sélection de Venice VR sera même disponible en ligne en septembre), aux arcades VR qui ouvrent dans le monde entier, les formats linéaires disposent désormais de points de diffusion, certes encore limités, et de distributeurs aguerris. Côté installations proche du théâtre immersif, c’est le grand enjeu de rendez-vous comme Venice VR : faire la démonstration de leur efficacité, et trouver des acquéreurs à l’international capables de les importer. Il y a encore du chemin à parcourir, un public à convaincre mais la maturité de la filière semble acquise.

Venice VR : quoi en retenir ? Pieds nus, animation, VR sociale & création.

C’est sans doute un phénomène de mode qui peut tenir de CARNE Y ARENA, présenté il y a 2 ans à Cannes (lien). Désormais, on peut se mettre pieds nus pour explorer des mondes virtuels. THE ROAMING, UMAMI le proposait notamment. Quels avantages ? Celui de travailler sur un décor réel, d’incorporer des sensations étranges, de provoquer le spectateur. Pas toujours utile, certes, mais plutôt intriguant.

La volonté de l’industrie VR de faire appel à l’empathie de ses spectateurs est claire, et pas seulement dans des chocs physiques. Le documentaire et l’appel au monde réel, dans un sens la VR sociale, a marqué le coup aussi. EVEN IN THE RAIN proposait ainsi de se plonger au coeur des conflits religieux en Centre Afrique, pour mieux comprendre les causes et conséquences du conflit qui tiraille le pays. L’expérience est vouée à être présentée sur place. L’enjeu des frontières est au coeur de BORDERLINE, où deux soldats surveillent un fil barbelé au milieu des collines israéliennes.

Des projets tout aussi narratifs comme L’ILE DES MORTS (l’exploration d’un tableau, issu d’une collection de projets d’ARTE) ou SPHERES (co-production entre les français d’Atlas V et Darren Aronosfky) offraient de vrai développement artistique utilisant pleinement les possibilités de ces nouveaux supports. Une VR plus sérieuse, souvent minimaliste mais très maîtrisée qui fait appel aux talents du cinéma.

En parallèle, c’est toujours l’animation qui semble idéale pour explorer des mondes pas si virtuels. AGE OF SAIL de John Khars (ex-Pixar) propose un très joli conte maritime, BATTLESCAR avec la voix de Rosario Dawson proposait une vraie exploration ludique du New York punk des 70′. Enfin ARDEN’S WAKE: TIDE’S FALL, grand gagnant de Venice VR 2017, revenait présenter sa version longue. Voilà les projets les plus prometteurs, sortant souvent de studios d’animation aguerris.

Dans les déceptions animées, toutefois, THE GREAT C explorait une nouvelle de Philip K. Dick pendant 30 minutes (long format !) de façon convaincante, mais en étant limité par une intention visuelle trop proche de la cinématique de jeu vidéo, tout comme THE LAST ONE STANDING avec son fauteuil 4D qui nous aura surtout rendu malade.

Difficile de tout explorer sur les 40 expériences présentées, malgré une organisation d’excellence qui a su trouvé le bon pari pour ne pas frustrer le public présent. Réservations en ligne et accueil sur place à la minute près, il suffisait de faire preuve d’un brin de ponctualité (en profitant des navettes du festival). Une réussite logistique et surtout artistique qui a su convaincre la communauté de professionnels présents sur place. Venice VR 2019 semble déjà être le rendez-vous européen de l’année prochaine pour les créateurs virtuels.