Le service Netflix, fondé en 1997 et désormais dévolu à la VOD illimitée (plus de 40 millions d’abonnés aux USA, présence dans plus de 40 pays), s’implantera en France. Alors, y croire ou pas ?
Rappelons le principe de base. Netflix connaît une réussite parfaite aux Etats-Unis en proposant à ses abonnés de la VOD illimitée, ou SVOD. A l’instar d’un Spotify pour la musique, payez votre abonnement et bénéficiez d’un catalogue de films et séries à volonté. Et cela fonctionne grâce à de petites astuces : le site est simple, l’accès au contenu direct (sur plusieurs supports) et le catalogue bien fourni. Netflix a même commencé à produire et/ou proposer du contenu en exclusivité. HOUSE OF CARDS, ou le retour d’ARRESTED DEVELOPMENT, ce sont eux. Plus qu’un succès business, Netflix impose un nouveau modèle et de nouvelles habitudes qui en font un service plus suivi aux USA que les chaînes du câble. D’autres co-existent avec tout autant de possibilités futures : Hulu, etc…
Exportation.
Dès lors que l’idée est bonne, autant la partager. Et Netflix le fait avec parcimonie, sans se presser. Son expansion est calculée, et son arrivée en Europe toute récente. Alors pourquoi pas chez nous ? La France, ce pays du cinéma, ce défenseur de l’exception culturelle, doit certainement avoir besoin d’étendre aux masses l’accès à la culture. Surtout face à un piratage rendu facile par un ensemble de solutions hautement accessibles (malgré la toute récente décision de fermer des services de streaming… qui vont renaître comme d’habitude d’ici peu).
Et bien non, ou tout du moins pas encore. La faute à un carcan législatif décidé voici près de 30 ans, appelé la chronologie des médias. Cette répartition des fenêtres de diffusion des acteurs du secteur (salles de cinéma, vidéo, télévision payantes ou gratuites…) protège l’ensemble des investisseurs du cinéma et leur permet d’avoir une part du gâteau de l’exploitation de l’oeuvre. Intelligent mais contraignant ; quand la technologie évolue, la chronologie des médias ne bouge pas. Et pour Netflix, c’est problématique : les films ne sont disponibles pour la VOD illimitée que 36 mois après leur sortie en salles. Autant dire que chacun a déjà pris sa part, et le contenu est depuis longtemps disponible légalement et illégalement.
Evolution.
On fait des efforts, quand même : le rapport Lescure commandé par l’actuel gouvernement, reconnaît la situation et propose de réduire la fenêtre de la VOD illimitée à 18 mois. Un petit geste pas très efficace, qui toutefois a le mérite de lancer le débat. Qui s’annonce complexe : si la chronologie des médias évolue, chacun des financiers habituels du cinéma va vouloir renégocier sa situation (et son pourcentage des budgets), et l’équilibre des financements pourrait être rediscuté.
Alors quelles solutions réelles ?
Une piste serait de ponctionner une nouvelle taxe auprès des services web pour compenser. Mais voilà, cette belle idée très française risque aussi de freiner l’arrivée de services étrangers comme Netflix, qui en soit comptera bientôt plus d’abonnés que de Français dans le monde. Qui plus est, même une SVOD à 18 mois reste contraignante, face au piratage et à la vidéo classique. Difficile arbitrage entre les forces en présence, et un pion qui avance doucement. Netflix n’a pas eu grand chose à faire pour chambouler le jeu classique de la distribution française. Reste à voir si elle jouera un plus grand rôle dans les mois à venir. En soi la firme américaine pourrait se contenter d’un accès aux films à 18 mois, en axant son développement sur les séries, et tout le contenu hors cinéma.
Reste le spectateur. Divisé entre le cinéma (c’est toujours un plaisir à part entière de se faire une toile), et l’accès au contenu ensuite, celui qui souhaiterait voir ou revoir un film en vidéo aura des solutions pragmatiques à sa disposition : acheter le DVD, attendre la diffusion télévisée.. ou le pirater s’il souhaite l’avoir à disposition chez lui. Une location VOD classique, possible aussi, reste encore aujourd’hui limitée techniquement (interface d’achat, durée et nombre de location par film/épisode..) par des interfaces peu pratiques, des services peu connus et peu accessibles, avec des catalogues trop partiels.
Offre peu satisfaisante, développement des accès (en mobile), législation restrictive mais protectrice, les prochains mois risquent d’être mouvementés. Et on pourrait presque appeler ça le syndrome Netflix.
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