Fidèle comparse de Jean-Pierre Jeunet, Marc Caro a largement contribué au développement du genre en France à travers leurs longs métrages en commun, ou avec ses propres productions (DANTE 01). Artiste nantais investi dans la bande dessinée, la musique, scénariste, réalisateur, son approche artistique est globale et ne pouvait évidemment ignorer les nouveaux médias, et la réalité virtuelle en particulier. Rencontre lors de New Images au Forum des Images, où il était à la fois juré et partie prenante du VR Lab.
Que fait Marc Caro en ce moment ?
MC – Je suis sur un projet en réalité virtuelle, mais aussi une série web. Si je viens originellement de la bande dessinée, j’ai toujours aimé voir les images bouger : je suis passionné de film d’animation, films de marionettes… même si j’en arrive toujours à vouloir réaliser des choses avec des acteurs. Il y a comme un système dynamique qui, au fur et à mesure, me permet d’étendre ma palette de création tout en ayant connu l’évolution du numérique. Il y a de nouveaux « jouets » à utiliser pour créer, même si je remarque qu’on commence d’abord par reproduire les histoires d’avant. Je commence tout juste avec la VR à découvrir des projets innovants, des outils ici et là qui creusent les possibilités de narration. Pour quelqu’un comme moi qui travaille sur l’imaginaire, ce sont des pistes d’explorations formidables.
Ce que vous aimez avant tout, c’est donner corps à de nouveaux univers ?
MC – On va vers du « plus », sans oublier les formes de narration précédente. On vient enrichir nos possibilités de création, donner de la vie à nos outils, de façon simple ou complexe, traditionnel ou moderne. Le stop-motion a du cachet qu’on ne peut retrouver ailleurs, par exemple. C’est une période particulièrement intéressante pour cela, et en plus de pouvoir jouer avec l’ensemble de ceux-ci. Et il ne faut pas oublier que ces outils sont au service d’une idée, d’un message, d’un échange avec le public. Avec les nouveaux médias, il y a encore un grand espace d’exploration, d’expérimentation. Cette période laboratoire me passionne : je reste sans doute plus un chercheur qu’un « trouveur » !
Il y a donc un risque de répétition des histoires, côté nouveau média ?
MC – Oui, mais c’est normal. Il faut plutôt aller y chercher des innovations, ressentis que nous n’aurions pas imaginé avant. Je suis passionné par le son, et l’essor du son 3D, binaural, rend au niveau narratif les choses passionnantes. On arrive à transmettre des émotions. Je reviens toujours à VERTIGO, où un simple travelling fait ressentir le vertige du personnage principal. On développe de plus en plus cela avec ces nouveaux supports.
Il faut donc que ce soit les cinéastes, artistes à fort imaginaire qui transcendent ces écritures ?
MC – C’est assez logique que cela viennent de cinéastes très créatifs. Pour les descendants des frères Lumières, ou de la Nouvelle Vague, c’est peut être moins parlant d’aller vers la VR. Lorsque j’ai étudié le cinéma en relief, j’ai remarqué que le cinéma traditionnel ne peut être que bi-dimensionnel. Dorénavant on revient à plus de dimensions, une reconstitution mentale en relief qui demande aussi plus de temps. Il faut s’adapter au nouveau média, aux nouvelles plateformes.
J’ai commencé l’informatique en 1981, et intuitivement j’y étais préparé : j’ai travaillé sur différentes machines, avec différents logiciels à de nombreuses étapes de production, mais au final il s’agit d’un seul et même outil pour travailler le son, séquencer, monter. Du coup, les mondes virtuels, je m’y retrouve : ce sont presque des extensions de ma propre imagination quand je réfléchis à un projet.
Est-ce qu’on pourrait imaginer l’histoire avant de décider du support de création ?
MC – Si, je fonctionne déjà comme ça. J’ai d’abord une envie, une idée, et je trouve ensuite le support. Notre époque permet même de créer sur plusieurs supports, ce qui existe déjà au Japon depuis longtemps : on créé un manga, puis un OAV, puis une série, le jeu, on revend la série à l’étranger, l’adaptation au cinéma… Une fois que l’univers existe, c’est une richesse incroyable de pouvoir l’étendre. Et chaque support conserve sa force, même si le processus a ses contraintes et destinations aussi bien économiques d’artistiques.
Et sans oublier le public : une oeuvre artistique s’incarne dans son rapport aux personnes qui vont la découvrir. Il y a une syntaxe propre à chaque oeuvre, même si l’artiste peut passer d’un format à un autre. Même sur un film, je continue à storyboarder, ce qui est proche de la bande dessinée.