Facebook, mail, Twitter, Instagram… Le web 2.0 repose sur la culture du partage, de l’expérience sociale, de la communication. Il constitue un espace d’échange pour les individus, un lieu où exprimer un point de vue, poster des documents et troller en toute mauvaise foi (et oui, aussi). Pourtant, la génération exhibition réalise désormais avec force que cette politique du tout exposition aboutit à rendre très publiques trop d’informations personnelles, mais également à mettre à disposition de certaines institutions (stop, pas de marques) les données échangées par des canaux censés être privés. Sans aborder ici la question de la « e-réputation », les récentes révélations d’Edward Snowden ont fait prendre conscience au monde entier que ses communications sont accessibles, écoutables, stockables et analysables par des agences dignes des méchants de James Bond. De là, pouvons nous encore croire à la confidentialité de nos échanges et que reste-t-il de la protection de notre vie privée sur les réseaux ?
Le droit à la vie privée s’inscrit en France et en Europe dans la catégorie des droits dits de la personnalité. Leur but est de protéger les éléments de l’intimité de la personne au sens social. On ne veille par ce biais pas uniquement sur l’intégrité physique ou le patrimoine, mais aussi sur l’honneur, l’image, la réputation, l’inviolabilité du domicile et le secret des correspondances. Plus précisément, le droit à la vie privée consiste certes à faire ce que l’on veut, mais également permet d’empêcher les intrusions dans la sphère personnelle. L’intrus peut même être condamné à 1 an d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende s’il enregistre ou transmet par le biais d’un moyen quelconque des échanges privés, sans le consentement des protagonistes. Cette notion de vie privée protège les informations concernant l’identité de la personne, son patrimoine, son orientation sexuelle, son origine, ses convictions religieuses ou encore son domicile. Ces informations ne peuvent donc pas être divulguées sans l’accord de la personne, à quelques exceptions près, notamment si elles s’inscrivent dans un fait d’actualité, à condition de ne pas dépasser l’objectif d’informer. Mais, la protection de la loi française (parmi les plus protectrice du monde, ça ne rigole pas) peine à s’appliquer sur internet, espace dématérialisé et décloisonné, et aux agences gouvernementales qui semblent au dessus de toute forme de règlement (on exagère à peine).
Concrètement, quand l’usager s’inscrit sur un réseau social, il conclut un contrat avec le service en question, par lequel il cède généralement l’ensemble des droits sur ses données. Par exemple, tout ce qui est posté sur Facebook, même en message privé, appartient à Facebook, qui peut en disposer librement (pour vendre de la publicité ciblée le plus souvent). Techniquement, toutes les données de la vie privée de l’usager transitant par les réseaux sociaux ne sont déjà plus à ce dernier, mais à l’entreprise concernée. S’ajoute à cela la surveillance des agences telles que la NSA, dénoncée par Edward Snowden, qui consiste à récupérer les informations collectées par les réseaux sociaux et services sur internet (mails, téléphone, e-commerce…). Cependant, toutes les entreprises du web n’auraient pas accepté la coopération avec les agences de renseignement. Il semblerait que Twitter notamment ai refusé de transmettre les informations de ses utilisateurs. Il reste à savoir si ce refus change quoi que ce soit au résultat final. S’ajoute que le récent rachat de WhatsApp par Facebook menace encore davantage la vie privée des internautes, car si l’application de discussion en temps réel était très à cheval sur la confidentialité des données, le géant Facebook est bien moins précautionneux. Au final, il semble que la vie privée sur les réseaux soit une affaire de bonne volonté des sites fréquentés, donc plutôt une concession de la part des acteurs qu’un respect des principes établis par la loi. Malaise.
A l’heure où les agences de renseignement peuvent mettre tout un pays sur écoute (TOUT UN PAYS, EN ENTIER, COMME ÇA, SNAP !) et que nous savons que la seule surveillance des métadonnées suffit, en les croisant avec les données publiques des individus, à très, mais alors très bien nous connaître, quel comportement pouvons nous adopter ? Jeter ton smartphone est inutile, E. Snowden l’a répété continuellement au SXSW (time.com) : « Que l’on soit journaliste ou citoyen, on doit avoir accès à cette technologie. Elle ne doit pas faire peur ». S’il encourage la prise de conscience, Snowden rappelle par cette déclaration que les avancées technologiques sont profitables aux individus et qu’en aucun cas il ne convient de revenir en arrière sur la façon dont nous communiquons. Il existe alors 2 échelles pour envisager le problème. Tout d’abord, ces problématiques doivent devenir des priorités pour les gouvernements et les institutions. Cette position est sans doute assez naïve mais pourrait, au grand minimum, avoir le mérite de poser les questions et lancer les débats, chose activement en cours depuis les révélations sur Prism il y a 9 mois. Ensuite, l’internaute dispose de modes de communication plus discrets que les moteurs de recherches et sites basés sur la publicité, qui collectent nécessairement ses informations. De manière très générale, il faut être vigilant et rester informé. Big Brother, i’m watching you.
Illustrations : The Truman Show (1998), EdTv (2001), The Fifth Estate (2013).
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