VOD : le calvaire à la française

Hier Allociné a lancé une nouvelle plateforme : Cinégift, un service de recommandation de films et de séries (à l’image de SensCritique ou Vodkaster) avec un algorithme générant ainsi des recommandations suite à vos notations sur le site, et offrant aussi un service de VOD (on peut reçevoir des codes promo pour un film qu’on veut montrer). Pour plus d’information je vous invite à lire ce [petit résumé]. Pour y avoir passé une heure hier, le service semble, malgré quelques bugs de nouveau-né, extrêmement abouti et beaucoup plus juste que ses concurrents. On va donc pouvoir surveiller ça de très près. Bref, tout ça pour dire que suite à ça, j’ai été amené à tester CanalPlay, la plateforme de VOD soi-disant la plus aboutie et la plus complète. Verdict.

Je n’ai eu aucun souci à accéder à la plateforme via Cinégift, simplement en cliquant sur un bouton « regardez le film » de la fiche film. C’est juste après que j’ai commencé à m’arracher les cheveux. Tout optimiste que je suis, je lance le site sous Chrome et. je crée mon compte. Le site internet n’est pas du tout instinctif. Je m’attendais à pouvoir accéder à ce que je voulais en quelques clics et la chose s’avère terriblement mal foutue. Soit, je me rends compte, après quelques minutes de recherche sur la page pour voir où je devais cliquer, que le long métrage n’est pas accessible en streaming et que le site n’est pas optimisé pour Chrome.

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Bien. Je décide donc de passer à Firefox qui commençait à prendre la poussière. Le site se lance convenablement et l’encart que vous voyez juste au-dessus change légèrement pour laisser apparaître un « louer le film ». « Chic » me dis-je. Je clique sur le bouton et un player streaming se charge. J’attends patiemment et là, erreur. Le plugin Silverlight (un plugin préinstallé sur Windows permettant du streaming) plante. Je recharge la page. Même problème

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Ma patience commence à être titillée. Mais je ne perds pas espoir. Je veux aller jusqu’au bout. Très bien, j’ouvre les méandres de mon explorateur windows pour aller chercher… Internet Explorer. Je recommence donc les étapes précédentes : je m’identifie, je recherche mon film, clique sur « louer le film » et le player se lance. Magie, ça charge et ça ne plante pas. Quand soudain « Ce programme n’est pas disponible en streaming »

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Hum. Bon. Je relance la page, sait-on jamais. Même problème. Et là je vois qu’il faut descendre un peu plus bas sur la page et où je découvre que je peux le télécharger (cf l’image du dessus). Rien ne me l’a indiqué plus haut et l’utilisateur que je suis ne voit pas plus loin que le bout de son nez et encore une fois, le site n’est vraiment pas ergonomique.

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Je décide donc de télécharger le film sur mon PC. C’était sans compter le téléchargement d’un logiciel CanalPlay me permettant –peut-être- de visionner la chose.

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Enfin ! Le programme s’est installé (le logiciel datait visiblement de Windows Vista) et le player s’ouvre. Là j’hallucine. Je me retrouve devant quelque chose au design archaïque et encore une fois très mal optimisé.

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Je relance la procédure (connexion, chercher le film, le télécharger) et ça semble marcher. Le film se lance après une minute de téléchargement (un bon point, le seul) et plante au bout de 5. Je relance la lecture, qui me ramène au début, alors que je m’attendais à reprendre là où le player (qui passer par Windows Media Player !) s’était arrêté. Enfin, j’ai quand même réussi à voir la chose jusqu’au bout.
Au final ? Ca m’aura pris 40 minutes avant de pouvoir télécharger ce maudit film, en qualité médiocre. J’ai découvert un système archaïque de ce qui se dit comme « le Netflix français » m’obligeant à passer par Internet Explorer, explorateur que clairement, les potentiels consommateurs de VOD n’utilisent plus. J’ai failli abandonner plusieurs fois et finir par télécharger le film illégalement. Je vous laisse aller jeter un œil par vous-même sur le superbe site de CanalPlay VOD.
A côté de ça, je me suis abonné à Netflix il y a un mois. Ca m’a pris exactement 30 minutes, le temps de faire passer mon PC et mon iPad sur un serveur américain pour pouvoir le lire. Ca me coute 7$ par mois, j’ai accès à un catalogue hallucinant, je peux regarder mes films et mes séries en HD et sous-titrés en anglais, je mets moins d’une minute pour accéder à ma liste de chose à voir et tout est ultra intuitif.

Je pourrais également évoquer la pauvreté du catalogue VOD en France. Il y a un mois, l’ami @CloneWeb a voulu louer Princess Bride, le film n’était pas dispo, nulle part [la réaction]. Ce matin, j’ai voulu louer It might get loud, documentaire musical avec Jimmy Page, The Edge et Jack White, et de même, introuvable nulle part. J’ai quand même cherché la chose un peu partout, jusqu’à Myskreen qui me dit que le film n’est pas disponible en ce moment mais son algorithme met un lien vers le documentaire sur Youtube. [Complet] Après une recherche d’une seconde sur internet, je l’ai téléchargé, illégalement, en HD, avec des sous-titres.

En France, comparé aux Etats-Unis (qui permet Netflix notamment, et qui ne verra probablement jamais le jour ici), la législation n’aide pas ces plateformes. L’offre française est un morcellement des droits d’auteur. Chaque système de VOD possède un ou des droit(s) d’exploitation(s) propre(s) d’une petite partie de ce qui existe mais rien de global. Ainsi donc, si je veux regarder Lost, je devrais passer par la VOD de TF1. Actuellement, aucun fournisseur de service n’arrive à rassembler tout le monde. Si on veut une offre globale, on doit facilement devoir s’inscrire à une dizaine d’offres. Il y a deux facteurs qui jouent là-dessus : le marché de l’audiovisuel fait preuve d’une concurrence historique. TF1, France Télévisions et M6 (par exemple), veulent garder leur propre part du marché sans vraiment s’associer. D’autre part, il y a la défense de la sacro-sainte exception culturelle française (qui me fera toujours bien rire) : on refuse de traiter l’achat culturel comme une consommation lambda. Ce refus de conception purement marchande est poussé à l’extrême et engendre une politique ultra-protectrice.

N’étant pas un expert en la matière, je vous invite à lire l’article de Charlotte Pudlowski sur Slate qui explique parfaitement bien pourquoi la France est à la [ramasse]. Ainsi que celui de Klaire sur les différents services de VOD proposé par Hadopi. Vous allez voir, c’est très très [drôle]. Vidéo-futur essaye de changer un peu la donne en proposant une box à 6€99 avec tout son catalogue en VOD ou par envoi de DVD par la poste (comme le propose Netflix). L’idée est louable et le catalogue bien fourni. Mais c’est sans compter le fait de devoir payer le film 2.99€ (en moyenne) en plus de l’abonnement. Et pas de haute définition.

C’est quand même triste d’en être toujours à ce point mort, où la vente des DVD est en chute complète, où la VOD multiplateforme est une excellente alternative à ça, surtout dans un pays qui prône l’exception culturelle. Quand rien ne bouge ni du côté des sites internet visiblement bloqués en 2003 et une législation tout aussi archaïque, ce n’est pas demain la veille qu’on va avoir quelque chose de potable en France.