Golden Touch, America, Wire to Wire. On serait terriblement tenté de réduire Razorlight à ces trois singles, de faire un raccourci facile. Trois titres, répartis sur trois albums. 2004, 2006, 2008. Une régularité sans faille, une capacité à produire des hits à chaque fois, une mécanique bien huilée, un groupe qui savait se (re)faire un nom à chaque nouvel opus.
Et puis un jour, plus rien. La formation manque à l’appel, manque son rendez-vous régulier avec le public. 2010 n’amènera pas d’album, bien au contraire : avec le départ de deux membres fondateurs (Carl Dalemo et Björn Ågren) Johnny Borrell se retrouve seul aux commandes de Razorlight, ce groupe qu’il avait façonné durant le début des années 2000 lorsqu’il officiait en renfort de The Libertines. Juste avant, l’offensive du renouveau rock avait été lancée depuis New York avec The Strokes et leur premier disque Is This It. Toute une époque.
Dès les débuts, c’est loin d’être gagné pour Razorlight. La formation parvient à trouver son public quand la critique préfère une distante bienveillance (au mieux) quand elle n’assène pas de véritables claques. En 2006 Pitchfork décochera un violent 2.8/10 à l’encontre du deuxième album, celui-là même qui contient les très populaires America, In The Morning et Before I Fall To Pieces.
Pourtant il y a chez Razorlight ce talent incontournable dans la production de titres indie-rock calibrés pour les oreilles des grandes ondes. Et pas seulement : Up All Night, leur premier disque, possède la fougue des débuts mais déjà une maîtrise acquise par Borrell en traînant avec les bonnes personnes.
Mais le revers de la médaille est loin d’être reluisant : Johnny Borrell se drape d’un ego surdimensionné et d’une personnalité détestable. Sa réputation le précèdera désormais partout. Malgré les singles accrocheurs et entêtants, mieux vaut ne pas se déclarer fan de Razorlight trop fort, on pourrait se moquer.
“Let’s face it, Razorlight are the band everyone loves to hate.”
The Guardian, 2007
Même avec les années, difficile de savoir exactement ce qui a conduit à cette pause dans la carrière du groupe. Et le terme de « pause » semble même ironique. Johnny Borrell balançait son dégoût pour l’industrie de la musique tout en sortant un album solo (Borrell 1, en 2013) et l’on pensait Razorlight perdu, continuant de tourner (en rond) sur des petites scènes, à jouer les morceaux de leur succès passé (dont Borrell est le seul héritier légitime). Et pourtant, surprise : voici Olympus Sleeping.
2018 : Razorlight, l’improbable retour
« Razorlight », avec un R dessiné par les jambes d’une femme endormie (Olympe sans doute, la subtilité n’a jamais été le fort du groupe). Au programme : 12 titres dont le premier ressemble à un message : Got To Let The Good Times Back Into Your Life. Laissons le bon vieux temps revenir dans notre vie. Mais surtout une intro parlée qui pose le ton : « Play me a Razorlight album that doesn’t totally suck » demande l’auditeur à son assistante vocale ; on hallucine presque devant ce qui sonne comme une envie de revanche sur la critique, et pas vraiment de l’humilité.
Pourtant, une fois encore, l’album est bon. Rythmé, énergique, entraînant. Et inégal bien sûr. De l’eau a coulé sous les ponts, la planète a continué de tourner, et Razorlight n’a pas bougé d’un iota. Pour le plus grand plaisir des fans de l’époque qui n’auraient pas non plus vieilli. Mais où sont-ils ? Sans doute pour la plupart, partis écouter d’autres sons. Lassés par l’inconstance de Johnny Borrell, on se demande si Razorlight ne gagnera pas avec Olympus Sleeping un nouveau public qui ira jeter une oreille dix ans en arrière aux albums précédents, et se dira : « Tiens, j’ai découvert quelque chose. » La suite, vous la connaissez.
3.6 / 5