Il est un peu plus de 20h ce soir-là lorsque Sam Mendes débarque sur scène pour parler de 1917, dont la projection va suivre dans les minutes qui suivent. Et l’on comprend vite que ce film tient une place à part dans sa carrière : c’est une histoire de famille qu’il a souhaité réaliser. Une histoire racontée par son grand-père lorsque Sam Mendes était adolescent ; une petite histoire qui avait tout pour captiver l’attention d’un jeune auditoire.
Car ne nous y trompons pas : 1917 est une anecdote, transformée en scénario, étalée sur un peu moins de deux heures. Le reste est confié à la magie du cinéma et à un réalisateur talentueux, oscarisé en 2000 pour American Beauty, ou aux commandes de l’un des meilleurs épisodes de la saga James Bond (Skyfall). C’est d’ailleurs ce dernier qui est mis en avant pour promouvoir 1917, peut-être un dommage collatéral de l’affaire Kevin Spacey.
One shot je pense à toi
Ce qui a fait beaucoup parler de 1917 avant sa sortie, c’est sa technique : le film a été tourné en « one shot », c’est-à-dire en un seul plan-séquence, en une seule prise. Une véritable prouesse dont le réalisateur (et le directeur de la photographie Roger Deakins) explique que c’était le meilleur moyen de maintenir une tension continue, où chaque respiration devient importante.
Le résultat est cependant mitigé. D’abord parce que le plan-séquence, même sans le savoir à l’avance, a pour effet de distraire le spectateur lorsqu’il s’en rend compte, plutôt captivé par la réalisation que par le scénario. Ensuite, parce qu’on ne sait pas au final en quoi la technique du plan-séquence unique sert l’histoire du film. Enfin, les plus tatillons ne pourront que remarquer le fondu noir intervenant au milieu du film lors d’un passage crucial, et qui met à mal ce fameux défi du « one shot ».
1917 est une anecdote, comme le Soldat Ryan
Première guerre mondiale, nous sommes sur la ligne de front entre les soldats anglais et allemands. Ces derniers ont battu en retraite, les Britanniques s’apprêtent à lancer un assaut final. Sauf qu’il s’agit d’un piège allemand dans lequel 1600 hommes risquent de tomber et périr. L’État-major charge donc deux soldats de porter un message au commandement de l’assaut, derrière les lignes ennemies, afin d’empêcher le drame qui risque de se produire.
Ainsi, le synopsis est léger mais suffisant à Sam Mendes pour qu’il en fasse un grand film de guerre. Sans doute d’autres réalisateurs moins talentueux s’y seraient cassé les dents. Mendes transforme la petite histoire en grand spectacle — parfois à l’excès, comme lorsqu’un village en ruines devient un magnifique théâtre de lumière sous les explosions du combat — et c’est une réussite.
L’autre atout de 1917 tient dans sa distribution. Les poids lourds (Colin Firth, Benedict Cumberbatch, Mark Strong) tiennent les seconds rôles, alors que la tête d’affiche est confiée à un duo de jeunes quasi-inconnus. Le visage de Dean-Charles Chapman parlera surtout aux fans de Game of Thrones (et encore, qui se souvient de Tommen Baratheon ?) quant à George MacKay, révélé avec Captain Fantastic, il tient ici le rôle déclencheur de sa carrière.
Si 1917 ne détrônera pas Il Faut Sauver le Soldat Ryan au palmarès des meilleurs films de guerre, il est clair qu’il s’agit néanmoins d’une œuvre qui marquera les esprits. Sans pouvoir rivaliser avec Spielberg, Sam Mendes aura réussi à rendre un hommage public à son grand-père. En cela, il y a toujours de quoi tirer une certaine fierté.
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