3 Billboards : Les panneaux de la vengeance

Le film commence par l’exposition explicite du titre, en introduisant dès la première scène les fameux trois panneaux situés sur une route déserte. Ensuite, le personnage de Frances McDormand se rend aux bureaux d’une agence de publicité : sa volonté de louer les panneaux pour une année et son regard froid envers le poste de police d’en face, sont les deux avertissements au spectateur. Ce film va être long, trop long pour ce qu’il a à raconter et à montrer. Pour mieux faire passer la pilule, Martin McDonagh utilise constamment des ruptures de tons. Entre l’humour (une certaine forme de tendresse), la gravité (sous couvert de cruauté et de violence) et de mélodrame social (la moralité), le cinéaste passe de l’un à l’autre tels des sportifs en ski de bosses. On ne sait pas pourquoi il y a autant de bosses, mais ils y vont quand même. Le pire, c’est que le cinéaste ne tente même pas de justifier un ton par autre, il les enchaîne dans une boucle infinie de répétitions.

Ce n’est pas la seule redondance, car le film fait preuve d’énormément de bonne conscience et la fait exploser à chaque interaction sociale du récit. Sauf qu’avoir une mère enragée comme protagoniste, qui est dans sa bulle de combat et de provocation, ne sert pas l’exploration sociale qui est annoncée. Dans sa mise en scène, Martin McDonagh est systématiquement dans l’outrage. Alors que le cinéaste tient à filmer l’Amérique profonde, il filme des attitudes et des caractères qui se confondent trop. Avec une panoplie de personnages peu aimables, le cinéaste tombe en plein dans le piège. Les ruptures de tons ont tendance à mettre le désordre dans la mise en scène. Les enjeux se mêlent les uns aux autres, jusqu’à ce que plusieurs scènes deviennent confuses (comme celle où un inconnu vient menacer Mildred sur son lieu de travail, durant quelques minutes, en restant énigmatique, et en repartant comme si rien ne s’était passé). Finalement, c’est une mise en scène qui se regarde être en pilotage automatique. On comprend tout de suite que le film espère faire partie de la course aux prix. Il s’agit d’une succession d’événements où la mise en scène fait semblant d’accuser ou mettre en valeur un personnage, avant de montrer autre chose.

Il ne s’agit pas réellement d’une absence de profondeur dans le contenu, mais plutôt d’une tromperie. Davantage intéressé par l’apparence des événements (l’exemple le plus flagrant étant les images télévisuelles, sinon on peut citer l’arrestation vaine de l’amie qui n’est même pas un personnage utile) que par le contenu des événements. Le film s’intéresse davantage par la pseudo pression engendrée par les affiches, que par le message qui y est laissé. Alors qu’il est répété mainte fois que l’emplacement des panneaux n’est pas intelligent, ces trois panneaux causent tout de même des remous (en surface). La psychologie est absente, l’universalité est trop lisse, l’esthétique est une peinture cynique du réel. Ce qui manque au regard de Martin McDonagh est une altérité et une modération. A force d’être trop exigent plastiquement (telle une volonté d’être trop beau), le cinéaste perd la trace du réalisme pour s’installer dans un surréalisme. A vouloir jouer dans le spectacle trash d’un propos social, le film traite ses rebondissements comme une narration de série télévisée. THREE BILLBOARDS n’est donc pas une chronique, mais un film choral à sketchs.

3 BILLBOARDS, LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE
Réalisé par Martin McDonagh
Avec
Frances McDormand, Caleb Landry Jones, Sam Rockwell, Woody Harrelson, Zeljko Ivanek, Amanda Warren, Lucas Hedges, Abbie Cornish, Darrell Britt-Gibson, Peter Dinklage, John Hawkes
Produit par :
Blueprint Pictures (USA), Film4 (UK), Fox (USA)
Durée :
1h55
Sortie française :
17 Janvier 2018

2.5 / 5