Burton revient chez Disney. Et la souris mange le corbeau. Toute la science noire du magicien Tim Burton n’aura pas eu raison de la gentille magie destinée aux enfants, et accouche d’un hybride déformé, alimenté de manière grotesque à la 3D et aux effets spéciaux.
Tout commençait bien. L’annonce d’une version burtonienne d’Alice aux Pays des Merveilles, en théorie on ne pouvait espérer plus séduisant. La magie du monde de Lewis Carrol à la rencontre du créateur d’Edward, Sleepy Hollow ou Beetlejuice. Le crossover du diable, qui devait accoucher d’un pays imaginaire gothique et délicieusement sombre, tout en conservant son charme naturel et son délire infini. Bref, le fan est aux anges. Burton reprend bien une Alice issue des livres de Carrol, mais en y apposant sa patte. Et en restant dans les limites d’un bon vieux Disney. Le film est une flagrante commande de studio confiée à un auteur, avec des joujoux à gogos. Et Burton y croit, s’engouffrant dans l’idée de 100% 3D absurde, et de recréer un monde tout en synthèse dénaturé de toute substance. Et oui, placer ses acteurs sur un fond vert et maquiller le tout n’y suffit plus, Burton était bien plus inspiré lorsqu’il faisait du carton pâte. Depuis ses errances sur des gros budgets (une Planète des Singes sous estimée mais loin de l’original, une Chocolaterie bien fade…), Burton perd en fond pour nous resservir la même recette à chaque film, et contentant son lot de simili-gothiques en manque de Johnny Depp.
Fade comme son héroïne, une illustre inconnue au joli minois mais maquillée pour une soirée d’outre tombe, qui peine à s’imposer dans ce monde numérique dans sa pâleur primaire, entre les guests connus du cinéaste (Depp donc, Bonham Carter ou Glover) qui patinent dans leur interprétation farfelues des personnages du Wonderland. Oui, le tout était taillé sur mesure pour un grand n’importe quoi, et on assiste ici à un film en roue libre où rien n’a réellement de sens. Ni de continuité. Réellement perdu, le Tim Burton talentueux semble laissé place à un technicien qui a laissé parler les palettes graphiques sans vraiment d’idées. En réalité, en étant moins dur avec l’ensemble, on pourrait soupçonner le réalisateur de s’être fait rattrapé par le studio et ses coupes, laissant la version finale comme une demi version d’une réelle réinvention du mythe, et du tout grand-public obligatoire pour séduire les foules. La tentative de sortir le film en DVD trois mois après les salles semblent confirmer que Disney voulait en faire du fast food cinématographique « vite vu, vite vendu », ce qui ne doit pas être éloigné de la réalité.
Bref, difficile d’en vouloir à un réalisateur si talentueux (au moins à un moment), qui déçoit de plus en plus mais conserve une aura peu ordinaire. Il faut parfois en revenir aux origines pour se réinventer. Espérons que Burton enchaîne sur quelque chose de plus intimiste. Et achèvement total, le générique de fin débute sur la musique d’Avril Lavigne. Un décalage trop important pour quiconque se rappelle encore l’auteur des années 90, celui qu’on avait la délicatesse de présenter comme Monsieur Tim Burton. L’impression en sortie est forcément négative.
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