Asaf Korman, réalisateur de Chelli, est aussi le monteur du très réussi Big Bad Wolves, des Voisins de Dieu et de Jaffa dont l’actrice principale, Dana Ivgy, campe ici un rôle clé. Grâce à ces deux noms et à une sélection à la Quinzaine des réalisateurs l’année dernière, je tente ce premier film sans en connaître le pitch.
C’est l’histoire de Chelli et Gaby, deux soeurs qui s’adorent. Gaby est handicapée mentale et Chelli s’occupe d’elle comme une mère. Mais ce n’est pas sa mère. Chelli a aussi sa vie, elle est jeune et aspire parfois à autre chose. Elle rencontre alors Zohar.
Comment incarne-t-on une handicapée mentale quand on ne l’est pas ? C’est la difficile question à laquelle a parfaitement su répondre Dana Ivgy, alias Gaby. Elle est incroyable : entre ses yeux parfois vides, ses colères enfantines et son besoin d’amour, elle montre une palette de jeu impressionnante. Sa prestation trouve un tendre écho en Liron Ben Shlush, l’actrice qui campe Chelli, qui est aussi scénariste du film. Elle s’est d’ailleurs inspirée de sa propre vie pour écrire cette histoire.
Fun fact, Chelli (et là je ne parle pas du prénom du personnage qui se prononce [ħeli] mais de la lecture phonétique du titre [ʃeli]) signifie « à moi », et Zohar, « splendeur ». Ces deux éléments caractérisent bien les personnages. Chelli nous montre une fratrie finalement très possessive et Zohar arrive dans sa vie comme une rai de lumière.
Le film ne raconte pas seulement la beauté du dévouement, il pointe toute la difficulté de sortir d’une routine, même quand cette dernière peu sembler pesante. Le confort de cette dernière devient peu à peu une prison. Les décors et la mise en scène racontent parfaitement cela : l’appartement étroit est le lieu principal, la caméra reste souvent en plan fixe : on étouffe. Finalement, c’est l’adulte responsable qui est parfois plus enfantin que l’enfant (ou l’handicapée) lui-même.
Entre poésie et interprétation audacieuse, Chelli nous montre ce que le dynamique cinéma israélien fait de très bien : disséquer les sentiments, les mener loin avec un regard à la fois affectueux et sévère.
3.5 / 5Il y a 38 autres articles à lire.