Festival du Film d’Amiens 2013
Écrit et Réalisé par Benedikt Erlingsson. Avec Ingvar Eggert Sigurosson, Charlotte Boving, Steinn Armann Magnussson, Kristbjorg Kjeld, Helgi Bjornsson. 81 minutes. Islande. Sortie française le 23 Juillet 2014.
Kolbeinn aime Solveig, et Solveig aime Kolbeinn, mais Kolbeinn est tout aussi attaché à sa jument Grána, et Grána piaffe pour Brúnn l’étalon. Tout cela ne peut pas bien se finir !
Le jury a dû être charmé par les réactions qu’a apporté ce film. Un premier long-métrage du cinéaste islandais, qui a engendré bon nombre de rires et d’applaudissements au générique de fin. C’est normal, ce film est une comédie. Alors que le pitch et la bande-annonce annonçait un western, la revisite du genre est tout à fait originale. Tout est inattendu, chaque plan devient de plus en plus beau, chaque note de musique prend petit à petit plus de sens. Tout l’intérêt est là : le recul pris par le réalisateur sur son histoire.
Là où le film prend son appui, c’est dans la comédie burlesque. Chaque personnage a une intrigue propre, et pour mieux célébrer leur vie et s’attacher à eux, le réalisateur prend de la distance. Un recul qui se révéle judicieux (et non forcément nécessaire) dans tout le mélange opéré. En passant par des situations incongrues, des moments humiliants les personnages, quelques morts, des blessures bêtes, une touche de survival gore et des romances crues.
Dans le film, tout est sujet à rire. Encore mieux, chaque situation comique ne sera pas vue du même oeil. A chaque fois, le réalisateur islandais a eu la merveilleuse idée de différencier les points de vue. Sans forcément intégrer le sien, ce sont ceux des autres personnages. Dès lors qu’une situation arrive à un personnage en particulier, soit le point de vue est donné au spectateur soit il est donné aux autres personnages du film. Ainsi, chaque vie est connectée.
Les grandes idées de Benedikt Erlingsson ne s’arrêtent pas ici. Car la connection entre chaque personnage, se fait par leur vies. Et elles sont liées à travers les chevaux du film. Aussitôt qu’il faut revenir à un personnage, avec sa propre intrigue, le réalisateur choisit de débuter la séquence par un oeil de cheval. A partir de là, c’est le microcosme humain qui est auculté, évidemment avec ironie. L’esprit animal s’étend encore plus loin.
Nous avons là un film choral où tout résonne chez les autres personnages. Mais avant tout, on a l’impression d’assister à une comédie animalière. Les personnages (et donc les acteurs, sans exception excellents) nous soumettent des passions aux comportements pas très habituels. A personnages uniques, états singuliers. Avec les personnages, le spectateur sera amené à passer par de multiples émotions. Nous avons déjà évoqué le rire, mais il faut aussi mentionner la compassion, l’admiration et même de la tristesse. Ce qui n’en reste pas moins impressionnants, c’est que les personnages n’ont rien de spontanés, mais les acteurs sont dans la proposition de jeu totale.
Il y a donc cette ambiance ironique et burlesque dans le film. La bande originale est même là pour accentuer les émotions du spectateur, pour augmenter les effets du scénario. Le ton est donné dès les premières scènes, on comprend vite qu’on aura pas besoin de réfléchir. Le spectateur sera pris par la main tout au long du film, seulement par le biais de la forme. Car au fond, pas grand chose ne se passe. Encore heureux que le réalisateur évite le film à sketchs, ce qui laisse à présager dès les premières scènes.
Chaque rebondissement, chaque situation ont leur note musicale. On passe aisément de la comédie à l’aventure. Finalement, le western n’est pas si loin. Il est surtout dans les décors, dans la lumière et dans l’esprit. Les chevaux, les grandes plaines, etc… Là où l’aventure est intéressante, c’est qu’elle est traitée exactement comme l’est la comédie. Cette partie du film a sa propre musique épique, et chaque personnage est pris à part pour être développé.
Et même si nous ne savons rien sur chaque personnage, le film nous présente leurs ambitions. C’est là que le fond du film triomphe. Mais si l’histoire générale (qui rassemble toutes les petites intrigues personnelles) est très mince, elle nous dévoile quand même un enjeu. C’est le tour de force du dénouement : on ne s’attend pas à découvrir un réel objectif dans toute cette comédie burlesque, et nous voilà surpris au final par un intérêt commun à tous les personnages. L’ordre des mots dans le titre est exactement ce qu’il faut. Of Horses and Men place l’animalité, les relations sauvages d’abord pour finir sur un rassemblement d’êtres humains.
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