A l’origine une pièce de Matthew Whittet, qui joue le rôle du père, le film se rapproche plusieurs fois d’une mise en scène théâtrale. Surtout envers le décor, car Rosemary Myers change d’espace en un clin d’oeil, entre deux plans ou deux scènes. Elle peut passer d’un jardin illuminé tel un podium de mode, à une chambre aux couleurs opposés, mais tout en gardant une cohérence dans le ton. La grande majorité des plans montre deux approches distinctes : on peut résumer le film à une scène / un plan : quand le père de la protagoniste vient dans sa chambre pour la coincer dans ses draps pour qu’elle dorme, le plan est en plongée totale au-dessus du lit. A cet instant, la cinéaste capte la sensation impuissante et mélancolique de sa protagoniste, tout en gardant en bas de son plan l’action du père. Il y a alors, dans un même plan, deux tons : celui où la réalité cadenasse la protagoniste, et celui où celle-ci se fige pour s’échapper en silence.
C’est ce qui provoque la traversée des genres dans l’ambiance générale du film. Il y a la fable sociale (sur la vie de banlieue), il y a le fantastique (via l’onirisme créé par la jeune protagoniste) et évidemment la comédie (une sorte d’absurdité dirige l’ensemble). Il ne s’agit aucunement d’une succession littérale d’ambiances et de gadgets, mais plutôt le croisement de plusieurs genres qui se projettent dans le paysage d’une jeunesse confuse, angoissée. Là où la protagoniste cherche sa place (magnifique plan de départ où elle est assise sur un banc, à l’écart de tout et de tous) et sa propre identité. Cette traversée esthétique des genres est le résultat d’une image mentale : tout le long-métrage est une aventure intérieure, intime, où le superficiel n’est pas une tare puisqu’il est présent pour combattre l’initiation au monde adulte.
L’image mentale est un échappatoire, une délicieuse friandise qui se constitue de rêverie et d’artifices fantasques. Au goût très pop, il ne suffit pas seulement d’avoir du relief dans le fond pour concrétiser la fantaisie. Parfois, le relief peut être limité sans pour autant qu’il soit un inconvénient. Parce que l’important est ici l’image : épurer le fond pour au mieux se débarrasser de la normalité. Il faut remarquer comment, dans la grande majorité des plans, il y a une fuite : soit du premier vers l’arrière-plan, soit d’une extrémité vers l’autre. Rosemary Myers crée plusieurs plans dans un seul : l’esthétique est en permanence une incrustation de l’image mentale, d’une fantaisie dans une réalité normalisée.
On le voit dans les entrées dansées, dans la synchronisation des scènes de danse, dans les apparitions soudaines dans des situations anecdotiques, dans l’accentuation d’une attitude, etc. L’esthétique de l’incrustation fantasque se sert pleinement d’une mise en scène très portée sur l’absurde et le cartoonesque. Comme si les gadgets, les artifices et l’image mentale seraient en train de figer tout ce qui entoure les personnages. Le mouvement des personnages crée la fixité de la caméra, et inversement. Une adaptation dynamique, incarnée et excentrique de la pièce de Matthew Whittet.
FANTASTIC BIRTHDAY (Girl Asleep) de Rosemary Myers.
D’après la pièce de Matthew Whittet.
Avec Bethany Whitmore, Harrison Feldman, Imogen Archer, Danielle Catanzariti, Matthew Whittet, Eamon Farren, Amber McMahon, Tilda Cobham-Hervey.
Australie / 80 minutes / sortie le 22 Mars 2017