FIFAM 36 : Jour 2 – 13 Novembre

10:00, arrivée à la Maison de la Culture d’Amiens. Pouf, contrôle de sécurité. Le sac ouvert et le manteau aussi, vu les dames qui contrôlent, ça n’aurait pas été gênant si ça avait duré plus longtemps. Après, manque plus qu’un portique pour se voir dans les plus grandes institutions du Cinéma Français. Toutefois, c’est beaucoup moins drôle en fin de journée quand il s’agit de repartir : tu te prends une porte dans la tronche car la sécurité a fermé toutes les portes sauf une, celle que tu ne penses pas à essayer d’ouvrir. Une fois à l’intérieur, petites bises et serrages de mains aux amis personnels, histoire d’être débarrassé de cet acte social tout le reste de la journée (ce n’est jamais le cas).
10:30, direction le Gaumont. Michel Piccoli attendait impatiemment les spectateurs pour délirer sur des funérailles. Je parle ici de MILOU EN MAI de Louis Malle, magnifique film à l’humour décalé et au regard acide sur ses personnages bourgeois. Louis Bunuel n’est pas loin, quand on repense au CHARME DISCRET DE LA BOURGEOISIE. Ou même Javes Ivory avec ses VESTIGES DU JOUR. Esthétiquement impressionnant avec les ricochets entre personnages, les enjeux labyrinthiques des pièces et un huis-clos où les masques tombent. Il y a quand même une dimension dramatique, car cette intimité est mise en scène comme un cruel ballet qui sonde la gravité intérieure pour la faire exploser aux visages d’autrui. Comme si LA REGLE DU JEU de Renoir s’invitait en Mai 1968.

Après une pause déjeuner permettant de retrouver des forces après une courte nuit et une ébullition signée Louis Malle, retour aux choses sérieuses avec la compétition long-métrages internationaux. J’ai eu l’occasion de retrouver Peter Monsaert, cinéaste belge, qui avait remporté la Licorne d’Or à Amiens en 2012 pour OFFLINE. Déjà avec Wim Willaert, l’acteur revient sous la direction du cinéaste dans LE CIEL FLAMAND. Je vous expliquerai dans une critique unique pourquoi celui-ci est meilleur que le précédent, déjà très bon.

Parlons un peu musique : depuis quelques années, il n’y a plus d’événements musicaux pendant le Festival d’Amiens. Dommage. Mais en collaboration avec Le Ciné St-Leu et l’Institut Faire Faces, il a été possible d’assister à un ciné-concert. Et quelle belle ambition de lancer le partenariat avec l’IFF dans le cadre du Centenaire 14-18 ? Ainsi, trois musiciens sont venus jouer en live dans la salle obscure, pour compléter le film muet / Noir&Blanc THE BATTLE OF THE SOMME – film britannique de Geoffrey Malins. Documentaire de propagande datant de 1916, il s’inscrit dans cette école de cinéastes britanniques qui se mettent à filmer les armées nationales à l’action, sans tabou ni reconstitution ni limite, une immersion totale pour montrer au grand public la gloire de la fabuleuse armée nationale. Film de propagande pur, le long-métrage est un bijou d’esthétique et de montage, autant qu’une sublime œuvre mettant en scène le réel. Cependant, je mets personnellement une balise stop sur la musique jouée en live, paraissant trop lourde, irritante et surtout incohérente : la volonté de moderniser le rapport à l’oeuvre filmique est un mauvais choix, car cela supprime toute l’intention propagandiste et manipulatrice du film.

Sans concert mais toujours en beauté, ma journée en salles s’est terminée avec LA FILLE DU FLEUVE du fameux cinéaste vietnamien Dang Nhât Minh. Celui dont tout le monde fait la promotion sur le Festival : parce qu’il n’y a que huit films, parce que c’est la première fois mondialement qu’il lui est consacré une rétrospective, et que ses films ont été spécialement restaurés pour le Festival. Un cinéma de patrimoine qu’il est surprenant de découvrir. Objet proclamant et prônant une réconciliation nationale au Vietnam, dont la beauté ne cesse de transparaître dans chaque plan. Étant originaire du village qu’il filme, le cinéaste Dang Nhât Minh est une sorte d’explorateur lyrique. Et c’est encore mieux quand son esthétique bascule doucement et avec limpidité d’un point de vue à un autre (par rapport aux personnages). Le long-métrage est une sorte de mélodie subtile et résonnante du mélodrame maudit, de la sauvagerie d’un univers qui ne demande qu’à s’exalter de la beauté. Un grand film politique où l’acidité ambiante sert l’approche au désir de réconciliation érotique.

La journée se termine véritablement sur un goût de Nectar à l’abricot, avec quelques amis pour parler des films vus et prendre quelques nouvelles des uns et des autres. La pluie était au rendez-vous, comme chaque année durant le Festival d’Amiens ; mais par bonheur, j’étais en salles à ces moments là. Toujours quelques retards à mentionner, mais cela devient une habitude et une tradition dans tout Festival de Cinéma qui se respecte, tout comme les spectateurs qui ne connaissent pas vraiment la manière de créer une file d’attente. Sinon, la petite déception vient de l’absence de Wim Willaert, qui n’était pas là pour présenter LE CIEL FLAMAND. Je n’aurais pas ma photo, ni mon interview, ni sa signature sur une feuille d’un mini bloc-notes. Sans oublier, surtout, quelques mots pour rendre hommage aux victimes des attentats d’il y a tout juste 1 an. A suivre.