Nelly

Peut-être que certains se souviennent de l’envoûtant NUIT #1, premier long-métrage de Anne Émond en 2011. Il y a ensuite eu LES ÊTRES CHERS en 2015 et maintenant arrive sur nos écrans NELLY. Le pitch est assez simple, puisqu’il s’agit d’une adaptation des travaux de Nelly Arcan. L’histoire s’inspire de sa vie et de ses travaux, traçant le portrait d’une jeune femme fragmentée et perdue entre plusieurs identités : une écrivaine, une amoureuse, une call-girl et une célébrité. Dans les quatre situations, une approche revient à chaque séquence : celle d’une protagoniste errant dans ses propres décisions.

Cela se traduit surtout dans la mise en scène d’Anne Émond, encore plus fulgurante que dans son premier long-métrage qui avait fait sensation. Vraie révélation surement en haut de liste pour une interprétation féminine, Mylène McKay révèle dans cette mise en scène une vraie exaltation du déplacement et surtout de la présence. Sa silhouette et ses gestes gracieux sont les parfaits arguments pour justifier un approfondissement de la cinéaste dans son approche. Entre exposition et toxicité de la présence sensuelle et érotique, le long-métrage réussit à exercer une méditation contemplative sur l’aspect romanesque du corps.

Pour aller encore plus loin, l’esthétique ajoute de la sensorialité à la présence du corps. La caméra est comme une caresse sur la chair de la protagoniste, une amie qui fusionne totalement au corps de Mylène McKay pour en ressortir toutes les émotions instantanées et la mélancolie permanente. Cependant, il existe également dans cette esthétique une sauvagerie du corps. Peu importe la séquence dont il est question, le corps de la protagoniste est souvent mis à l’épreuve. La grande majorité du temps, cette sauvagerie est une auto-destruction vis-à-vis d’une souffrance, comme si la protagoniste essaie de faire sortir de son corps une possession qui lui bouffe toute substance identitaire (une recherche de la joie, d’une fureur de vivre personnelle).

Cela se déroule dans chaque espace, peu importe l’identité développée, peu importe l’obstacle qui se présente devant elle. Chaque espace est montré comme une bulle d’onirisme dans laquelle se confine une image / une projection d’une fausse identité. De plus, il faut compter sur une certaine absurdité dans chacun de ces espaces, telles des ironies pour lesquelles l’exposition du corps est une traversée dans le renversement de la bienséance. C’est pour cela que le montage est aussi débridé : Anne Émond ne cherche aucunement la symphonie mélodramatique, elle cherche avant tout une forme expérimentale à l’intérieur de l’errance intime de la protagoniste. Toutefois, il manque un brin de risque après plusieurs séquences qui présentent la même forme esthétique : il s’y installe une monotonie rythmique, qui permet de comprendre où le film veut en venir esthétiquement dès les premières scènes. Le long-métrage n’en reste pas moins envoûtant et très poétique.

NELLY de Anne Émond.
Avec Mylène McKay, Marie-Claude Guérin, Catherine Brunet, Marc Béland, Milya Corbeil-Gauvreau, Sylvie Drapeau, Francis Ducharne.
Canada / 141 minutes.

Festival International du Film d’Amiens 2016 / Compétition Officielle Long-métrages

3.5 / 5
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