Free to Run, le documentaire qui décrypte la course à pied

Réalisé par Pierre Morath
France / Suisse / Belgique
100 minutes
Sortie le 13 Avril 2016

Le documentaire se concentre sur la course à pied, qu’il qualifie comme un simple acte de vie, un moment où le coureur se sent vivre et exprime un bonheur intense. Pour cela, Pierre Morath explore à la fois la course à pied dans sa forme la plus simple (dans la rue, dans les bois, …) et aussi le marathon (avec ses événements ponctuels et ses compétitions). Ce que le film veut transmettre, c’est que les passionnés de course à pied n’abandonnent jamais. Il s’agit de leur élan de vitalité. Pour eux, il est hors de question d’arrêter : un marathon, ça se termine coûte que coûte (voir l’émouvant extrait d’archives avec Gabriela Andersen-Schiess). Le soucis, c’est que le documentaire n’arrive pas à saisir la persévérance, l’exploit et la fierté de ces passionnés – excepté dans le plan post-générique.

Tout d’abord, parce que Pierre Morath ne se démarque jamais de la construction des documentaires contemporains. A croire que Raymond Depardon, Frederick Wiseman, Claire Simon, Jean Rouch & Co n’ont pas laissé de leçons mémorables à tous. FREE TO RUN reprend le schéma classique du montage alterné entre entretiens et images d’archives. Aucun style, aucune personnalité, tout oublié. Récemment, mis à part le Wiseman et le Simon, il faudrait revenir sur UNE JEUNESSE ALLEMANDE de Jean-Gabriel Périot ou sur VOLTA A TERRA de Joao Pedro Placido pour comprendre une véritable identité dans le documentaire. Une identité qui n’est jamais pédagogique, qui offre un point de vue dont la place sur les grands écrans n’est pas contestable. Il revient au même de lire un livre sur la course à pied que de payer une place pour voir FREE TO RUN (les bibliothèques, c’est gratuit).

En effet, le documentaire de Pierre Morath ne déroge pas à la règle du documentaire contemporain conventionnel : les entretiens sont bavards et uniques dans le cadrage, puis n’encouragent rien d’autre que le factuel. Le spectateur ne peut agir face à ces témoignages qu’en étant le récepteur d’un vécu trop personnel. Le film est presque du côté du devoir de mémoire, il s’en sort par les images d’archives qu’il sait monter au bon moment. Parce que le film pourrait très bien placer ses images d’archives sans couper les extraits. Or, il y a eu un réel travail sur ces images d’archives. Même si elles servent souvent qu’à illustrer les propos des entretiens, elles peaufinent l’histoire de la course à pied et se proposent comme la visualisation d’une nostalgie de l’évolution sociale.

Ce que décrit le film, c’est que la course à pied est d’abord un processus et une aventure intérieure, individuelle (voir le grand discours final, pompeux et teinté de happy ending). L’élan de vitalité et de vie ressenti par ces passionnés lorsqu’ils se mettent à courir, c’est par le contact avec la nature. Ils ne cherchent pas les rassemblements, même s’ils les apprécient. Cependant, cette pratique qui était très en marge et mal vue il y a environ cinquante ans, est devenue un moyen de passer de l’individuel vers le mouvement collectif. Le documentaire brasse plusieurs problèmes qui se regroupent tous autour d’une même thématique : la lutte sociale. En quelque sorte, Pierre Morath veut montrer que la course à pied est avant tout une passion qui doit être estimée, mais le côté social trop marqué de son film prend le dessus. A force de faire un condensé historiographique de la course à pied, le cinéaste la politise et la retire du simple mouvement.

2 / 5