Il ne faut pas s’attendre à voir un conte fortement imprégné de légèreté comme dans les précédentes œuvres de Robert Guédigian. GLORIA MUNDI commence comme une grande célébration de la vie, avec son magnifique plan magnifiant une naissance. Le cinéaste français, dès le début du film mais surtout durant tout son récit qui suit cette introduction, semble interroger la présence de nouvelles générations dans ce monde que nous vivons. Comme si nous mettions au monde des enfants sans savoir de quoi leur avenir sera fait. GLORIA MUNDI est une variation plus sombre des interrogations et des explorations du cinéaste. Avec ses fidèles comédien-ne-s, Robert Guédigian construit ici une fable sur la cruauté humaine. Il pose un regard sans aucune illusion et avec plein d’amertume sur la violence de la société moderne ; celle où l’argent règne, où la violence physique est une menace permanente, où les gens ne deviennent plus que des versions obscures d’eux-mêmes.
Les personnages de Robert Guédigian ne sont ici pas très agréables, pas toujours sympathiques. Cependant, le cinéaste trouve toujours des moments pour y intégrer une part de générosité, d’amour, de tendresse. Être une jeune mère se confronte à la violence des idées et de la parole avec ses proches, être dans l’obsession de travailler provoque une violence physique, jusqu’à même décrire la jalousie comme une forme d’affirmation personnelle. Dans GLORIA MUNDI, le cinéaste français cherche éperdument à trouver le peu de sentiments et de comportements qui restent dans toute cette cruauté. La mise en scène est si sobre, si propre, qu’elle ne laisse pas forcément paraître tous les petits détails subtils et importants où le côté humain reprend le pas sur la violence. La présence de la petite Gloria est déjà un argument de tendresse. La détermination des parents âgés est un vecteur d’amour et de générosité. Comme si, au sein de cette famille fracturée par la cruauté (nous rappelons que la famille est un thème phare dans le cinéma de Robert Guédigian), les espoirs des générations passées (les parents) se sont transformés en oppression et en violence quotidienne pour les nouvelles générations de parents.
GLORIA MUNDI parle inévitablement de fatalité, où l’illusion a laissé place la concrétisation, où l’happy end n’existe finalement pas, où la mort et la solitude sont devenus les seules formes de paix. À partir de là, Robert Guédigian réussit un beau travail sur les regards, à la fois désespérés et perdus, mais qui tentent de se raccrocher vainement aux proches. Pourtant, dans sa mise en scène, le cinéaste dessine clairement que la cruauté et la violence créent une distanciation permanente des corps. Et même avec sa caméra et dans le montage, le cinéaste explore le désespoir dans la séparation des individualités (la scission du groupe). Plein de rage dans son désespoir et sa fatalité, GLORIA MUNDI oppose clairement l’espoir du regard tendre et lumineux du cinéaste, à une mise en scène violente et profondément malaisante. Le cinéaste veut continuer à y croire, c’est pour cela que sa mise en scène n’est pas appuyée, et que la photographie employée est pleine de réalisme lumineux et coloré. Pourtant, Robert Guédigian plonge malheureusement ici dans l’accumulation des cruautés individuelles, de sorte à vouloir amplifier l’existence du collectif. Alors qu’une ou deux violences (pas besoin que chaque personnage ait sa propre violence de son côté) auraient suffit, le film fait presque un catalogue de la maladie de la société capitaliste. Cela n’enlève pas du tout le regard bienveillant et temporisé que possède Robert Guédigian sur sa famille de personnages.
GLORIA MUNDI
Réalisation Robert Guédigian
Scénario Robert Guédigian, Serge Valletti
Casting Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Anaïs Demoustier, Robinson Stévenin, Grégoire Leprince-Ringuet, Lola Naymark
Pays France
Distribution Diaphana
Durée 1h47
Sortie 27 Novembre 2019