Hippocrate

Le cinéma français a le vent en poupe en cette rentrée 2014. Dans le lot, HIPPOCRATE (présenté en clôture de la Semaine de la Critique au dernier festival de Cannes) se concentre sur la vie d’un service hospitalier à travers le regard d’un jeune interne. Avec l’expérience du réalisateur, passé par là, voilà un portrait moderne d’un ensemble de professions en dehors de tout sensationnalisme.

Car la réalité nous rattrape, et celle de Benjamin se situe aux côtés d’une quinzaine de malades, de collègues infirmières, d’un paternel chef de service et de cette vie en forme de huis clos entre gardes et diagnostics. HIPPOCRATE est un film à deux visages, ceux d’un Reda Kateb décidément très convaincant (où qu’il soit..) et de Vincent Lacoste, loin des facéties habituelles. Ce dernier trouve ici un peu de maturité et de défis dans un rôle de témoin en proie à de grandes questions. Suivre la règle, les traditions, ou la logique moderne. Conserver un brin d’humanité ou automatiser ses décisions selon la réalité économique qu’il doit affronter.

Presque documentaire, sans doute alimenté par l’avis du réalisateur-scénariste, HIPPOCRATE nous plonge dans la réalité de l’hôpital d’aujourd’hui. Entre joies et peines, il présente les enjeux de ces grands batîments blancs où se battent chaque jour les médecins et personnels. Si tout cela est connu de certains, voilà un éclairage servi avec efficacité (on ne s’ennuie pas), et mêlant plusieurs histoires parvient à trouver un équilibre assez juste entre la réalité et une fiction alarmante.

La contre-critique de Dimitri Sorkine

Depuis la fin du mois d’août, un film a monopolisé l’attention des médias français : Hippocrate.

Pour ceux qui auraient été absents pour cause de grêve télévisuelle estivale, voici le contenu de l’ordonnance :

« Benjamin va devenir un grand médecin, il en est certain. Mais pour son premier stage d’interne dans le service de son père [Jacques Gamblin], rien ne se passe comme prévu. La pratique se révèle plus rude que la théorie. La responsabilité est écrasante, son père est aux abonnés absents et son co-interne, Abdel, est un médecin étranger plus expérimenté que lui. Benjamin va se confronter brutalement à ses limites, à ses peurs, celles de ses patients, des familles, des médecins, et du personnel. Son initiation commence. »

Le film de Thomas Lilti brille par un casting soigné. Dans le rôle de Benjamin, Vincent Lacoste, connu pour son mythique rôle des Beaux Gosses, confirme tout son talent. Si on lui reconnaît d’ailleurs parfois les mimiques de son personnage pataud de l’oeuvre de Riad Sattouf, le petit Vincent fait preuve d’une finesse qui fait mouche. Anti-héros, quelque peu antipathique au début (c’est le petit jeune un peu tête de con qui se voit tout de suite très grand), son apprentissage le rendra sympathique. On remarquera surtout l’énorme performance de Réda Kateb, toujours impeccable depuis le Prophète, le film qui l’a révélé, à tel point qu’il tend à éclipser son partenaire de jeu. C’est principalement lui qui semble porter Hippocrate (et le service concerné de l’hôpital) sur ses épaules. On pourrait croire que les seconds rôles sont des seconds scalpels de piètre qualité. Bien au contraire, guest connu (comme Jacques Gamblin) ou non, tous jouent leur partition avec beaucoup de justesse…

Voilà, les bonnes choses ont une fin.

Le reste du film est d’un niveau affligeant.

Niveau réalisation, on frôle le zéro pointé. Le film qui se veut au fond le nouveau « Intouchables » n’en a aucune des qualités et pourtant les critiques étaient nombreuses sur la faiblesse « cinématographique » du carton de 2011.  Thomas Litli n’est d’ailleurs pas réalisateur mais médecin généraliste, j’espère que dans ce deuxième registre il se débrouille mieux. Pour masquer sa nullité, le médecin essaye de justifier le tout par une approche documentaire, tentative vaine confirmée par la scène d’ouverture (Vincent Lacoste répond face caméra à la question sur « pourquoi faire ce métier »). Sauf que le film n’est pas un documentaire et n’arrive pas à faire semblant de l’être.

On pourrait se dire : ok, c’est classique sur la forme, ça passe. Mais non. Là, le petit père a un objectif affiché : vous faire vider les glandes lacrymales. On imagine aisément la discussion suivante entre le « réalisateur-scénariste »et son producteur :

« Tiens et si on faisait mourir une vieille sympathique, mais qu’on la faisait mourir au bout de 20 longues minutes, histoire que le spectateur y voit bien sa mère ou sa grand-mère ? Ah puis attends, on va y mettre the story of impossible de Von poêle à tarte machin. Si avec ça, il y a pas un suicide et 45 sms « je t’aime grand-mère », je suis plus scénariste.

_ non mais t es pas scénariste t es médecin, et généraliste qui plus est.

_Ah t as raison… Allez on rajoute un arabe gentil et exploité, comme ça, ça plaira aux bobos de gauche. J ai lu ça dans un exemplaire du Point datant de 2008 que j ai trouvé dans un cabinet d’un confrère la semaine dernière. »

Du scénario, parlons-en. C’est vide et mal foutu. Les ficelles sont grosses comme un colon (d’où est sorti le scénario). Le réalisateur nous pond le fameux « erreur médicale couverte par le personnel dirigeant puis révélé en fin de film à la famille par le gentil docteur ». On se pose alors la question suivante : « quel est le sujet de ce pseudo film documentaire » les internes ? les difficultés de l’hôpital en 2014 ? la vie des patients ? L’ensemble est expédié en 1h30.

Très cher Monsieur Lilti, il aurait été préférable de confier le cas à un spécialiste, à un vrai chirurgien de l’image. De plus, si on part du postulat qu’une greffe de coeur prend au bas mot 10 heures, et qu’une heure, c’est la durée moyenne d’un épisode de série, vous comprenez le format que vous auriez du utiliser pour réussir à réellement faire vibrer le notre.

Allez, mettez fins à nos souffrances et arrêtez le cinéma.

1.5 / 5
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