Écrit et Réalisé par Terrence Malick. Avec Sissy Spacek, Martin Sheen, Warren Oates, Ramon Bieri, Gary Littlejohn, Alan Vint. États-Unis. 90 minutes. Sortie en 1973.
Le premier long-métrage de Malick pose tout son cinéma dès les premières séquences. La recherche de liberté, qui doit co-habiter avec la peur. Celle-ci est due à la jeunesse, parce que l’oppression de l’entourage et les difficultés d’intégration sont des problèmes récurrents. Dans les premières trente minutes du film, les deux protagonistes se fondent dans le décor de la communauté. C’est le cœur serré et la rigueur des attitudes que la mise en scène libère. Le film montre comment la société détruit et formate la jeunesse, dans des plans rapprochés et une intimité rapidement coupée.
Pour parvenir à retrouver un champ plus vaste, au sein de tous ces personnages secondaires (la communauté), la jeunesse se crée son propre univers. A travers l’amour, il y a déjà une première échappée. C’est le cœur plus ouvert, avec des attitudes plus amples, que les protagonistes se retrouvent. La contemplation et l’observation des plans, dans ces moments, suffisent à apporter un regard plus fougueux sur la jeunesse. En voulant prendre les initiatives, lors de confrontations, c’est une tout autre ambiance qui émerge. Telle une mélodie chorégraphiée d’un rêve d’ailleurs. Un envoûtement qui prend forme petit à petit, pour devenir une opposition face à l’austérité des espaces.
Avant de s’interroger sur le mystique, en captant le ciel, Malick a filmé la terre. Cet espace qui crée des écorchures à ses personnages. Pourtant, la nature est d’abord présentée comme le lieu de grâce pour cette jeunesse en quête liberté. Sauf que, rapidement, elle devient ce qui supprime cette jeunesse. La nature, dans ses plans larges, devient l’angoisse de l’humain. Dans son immensité, avec ces herbes hautes et tous ces arbres, cet espace vert sert d’enfer aux personnages. La vie sauvage menée par les jeunes protagonistes est un premier pas dans leur initiation, dans la quête de la liberté par la douleur.
Parce que cette vie sauvage, par ses espaces, consume ce qui reste de la jeunesse. La tendresse, la velléité, l’insouciance sont des attitudes qui disparaissent au fur et à mesure que le récit progresse. En s’encrant (dans la durée) dans ces espaces austères, qui laissent entrevoir une liberté, c’est la chute qui se profile. Cette opposition à la terre, c’est la jeunesse qui en paie le prix. Parce qu’elle devient folle (courir, la violence, …), héroïque (s’approprier l’espace, y assouvir une autorité, …) et lyrique (le regard porté sur l’autre, la bande originale).
La passion dévastatrice du couple renforce la poésie du film. Des espaces austères, des couleurs ternes et une lumière brûlante. La frénésie crée de grands mouvements de caméra, et la satisfaction de certains moments crée des plans fixes. Ce découpage permet aux protagonistes de s’effacer doucement au décor. Contrairement à la première partie, où ils en faisaient partie malgré eux. Ici, ils recherchent la liberté dans la poésie de l’amour et dans la sauvagerie de l’errance. Tout ce qui est autour d’eux devient une menace potentielle. La poésie se crée à travers le peu de la jeunesse qui reste chez les protagonistes.
Ce n’est pas tout, car le montage est telle une fresque perpétuelle. Celle d’un conte en forme de cauchemar qui débutait comme un rêve. La jeunesse et la liberté sont alors des paradis perdus, où la mise en scène des corps crie à l’illusion. Mais le film veut y croire, et cette infinité d’herbes grandes en est une preuve. Il y a toujours une route à parcourir, un champ dans lequel courir, et du ciel à capter au-dessus des têtes. Un road-movie qui n’en paraît pas totalement un, car ce ne sont pas les espaces qui déterminent l’évolution. Mais ce sont bien les attitudes des personnages, dans une fresque qui peint davantage des visages désabusés dans une sauvagerie poétique, pour une jeunesse consumée dans un pays menaçant.
5 / 5