Les premiers, les derniers

Écrit et Réalisé par Bouli Lanners
Avec Albert Dupontel, Bouli Lanners, David Murgia, Aurore Broutin, Suzanne Clément, Michael Lonsdale, Max Von Sydow, Philippe Rebot, Serge Riaboukine, Lionel Abelanski
Belgique, France / 98 minutes / Sortie le 27 Janvier 2016

Voici certainement le film le plus personnel et intimiste de Bouli Lanners. Un long-métrage plein de références, qu’ils soient de fond ou de forme, où le cinéaste-acteur dresse un portrait de la Belgique, son pays. Presque un road-movie, qui va finir par se stopper à un endroit : celui d’une petite ville paumée. C’est ici que deux chasseurs de prime doivent retrouver un téléphone au contenu sensible. Sur la route de leur recherche, ils croiseront Esther et Willy, un jeune couple fuyant un danger imminent. Ces deux intrigues qui se croisent semblent distinctes à l’écran, mais sont au final bien identiques.

Non pas par leur développement de l’intrigue, ni par les personnages, mais par le traitement esthétique. Le film s’aborde comme un gigantesque tableau où la forme a toute son importance. Parce que les couleurs, la lumière et le contraste définissent les lieux où circulent les personnages. Ce sont des espaces où l’environnement humain est vide, mais qui laisse place à une possible renaissance. L’état sauvage serait comme le renouveau possible des personnages, c’est à partir de cela qu’ils vont à la fois côtoyer l’apocalypse (la chasse humaine, la fuite, la séparation, la maladie, …) et l’aurore (les rencontres, l’amour, l’amitié, la conscience, la liberté, …). Là où une forme lorgne sur la possible mort, où le temps est suspendu au montage, elle est suivie par l’apparition d’un éclat spontané de vitalité (voir la rencontre entre Bouli Lanners et Aurore Broutin après un enterrement improvisé).

Le long-métrage possède une sorte de poésie abstraite qu’il fait évoluer petit à petit. Il s’agit du mélange de l’apparition plus fréquente de paroles, avec une errance qui finit par se stabiliser. Il faut dire que ce double tableau bénéficie de plusieurs ruptures de tons, que ce soit dans la mise en scène ou dans le montage. Le presque road-movie sonne davantage comme un western, où un duo d’hommes est à la recherche d’autres personnes, en voiture, traversant les plaines et les rues désertes. Le vent souffle souvent et les couleurs ternes sévissent dans chaque nouvel espace découvert. Les plans larges rendent parfaitement justice à cette dimension western du film. Mais ce n’est pas le seul genre exploré.

Il y a le thriller, indéniablement, par la mission des chasseurs de prime, le couple en fuite et le gang dirigé par l’excellent et trop rare Serge Riaboukine. Le thriller est davantage dans le montage, entre attente et attention, mais aussi dans ces espaces filmés en fonction de la création d’une menace ou d’un piège. Cependant, ces deux genres sont soudoyés en continu par le burlesque. Dans ce grand tableau d’apocalypse et de l’aurore, il y a ces instants loufoques qui font bifurquer les chemins pris par les personnages. Mais surtout, ils s’enferment dans ces nouvelles directions, permettant de ne jamais pouvoir revenir en arrière. Ainsi, ils doivent progresser malgré les bouleversements totalement insensées.

A l’intérieur de tout ceci, la caméra accompagne tout le temps les personnages dans leurs mouvements. A la fois vers la fatalité de la chute de santé / la mort, ou alors depuis leur renaissance / leur retour à la forme. Que ce soit des personnages qui sont en marge, des vilains ou des personnages secondaires, Bouli Lanners a l’avantage d’avoir une grande tendresse pour chacun d’eux. A aucun instant il ne se montrera cruel envers eux. Au contraire, il veut constamment améliorer leurs conditions de vie / survie dans ce tableau d’apocalypse et d’aurore. Mourir dans la paix, sans réellement souffrir. Ou revenir dans le réconfort d’autrui. Dans sa mise en scène, le film montre régulièrement (à l’exception de quelques passages nécessaires) des corps proches des autres. Une proximité des corps qui rend le film chaleureux, et le burlesque possible dans les genres explorés.

4 / 5
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