Faux film de cul, ce film joue de l’audace et de la provocation pour mieux perturber son spectateur. Alain Guiraudie prendra plusieurs risques dans ce qu’il montre, il ira loin dans les situations. Tout ceci afin de mettre le spectateur mal à l’aise. Bonne chose, car si le spectateur est mal à l’aise, le cinéaste a le spectateur entre ses mains. De cette façon, il ne le perdra pas et pourra l’amener où il veut.
En plus d’être un faux film de cul choquant, ce film se présente comme un faux thriller. Dans le film, il y a une enquête. Sauf que tout est dans la retenue. Juste un homme qui vient en questionner d’autres. Habillé d’une chemise, rien de plus simple pour un flic en fonction. Concernant les potentiels suspects, tout est dans le non-dit. Et Alain Guiraudie en fait de même avec le spectateur. Il nous donne des pistes possibles pour faire avancer l’histoire, nous fait guetter quelques mystères. Mais rien n’est concret.
Dans cette histoire, beaucoup de choses sont explorées. Tout d’abord, il est surtout question d’amour. L’amour entre paradis et enfer, l’amour comme métaphysique, l’amour comme une longue quête, l’amour passionné. Ce sentiment inexplicable est émerveillé ici. Mais on ne sait jamais si derrière le coup de foudre ne se cache pas le diable. Comme le dit si bien le proverbe : on peut connaître une personne, mais pas forcément celle qui est derrière la porte.
Ensuite, cette exploration de l’amour est mélangée avec d’autres termes. En lien avec l’histoire d’amour centrale du film, il y a l’espoir. L’espoir d’être heureux, l’espoir d’avoir ce qu’on veut. Mais il y a également le thème de l’amitié, toujours en confrontation avec celui de l’amour. Choisir la complicité ou le fantasme ? Et enfin, il y a la solitude. Cette solitude qui provoque un vertige. Un vertige qui donnera lieu à des errances, des rencontres innattendues, des fantasmes, et également ces fameux désirs intenses.
Là où le film devient le plus intéressant, c’est que Alain Guiraudie décompose un à un ses personnages importants. Même celui qui se masturbe en regardant le personnage principal être avec un autre (c’est donc un personnage secondaire), a le droit à son histoire. Et dans ce paysage sauvage (un bois au bord d’un lac), nous découvrons des personnages qui se révèlent être des monstres, des anges ou des héros. Un théâtre de corps qui se rencontrent, pour le meilleur ou pour le pire. Gravité entre la vie et la mort, au travers de l’amour.
Mais on ne peut pas parler de ce film sans parler de sa photographie. Grâce au paysage de bord de lac, les images de films agissent comme des peintures. Des tableaux où les corps se mélangent, où les désirs de chacun sont sublimés entre la terre et le ciel. La lumière et le contraste des couleurs est très intéressant. La photographie se révèle être aussi subtile et percutante que le fond. Mais pas au point d’avoir un léger ton provoquant. Juste un complément à l’ambiance si particulière.
Sauf que Alain Guiraudie manque cruellement d’une chose : une réalisation travaillée. Durant tout le film, le spectateur et les caméras restent dans ce paysage sauvage au bord du lac. Le film se transforme alors en un huis-clos saisissant. Dommage que la réalisation soit trop austère. La recherche formelle faite par Alain Guiraudie est minimaliste. On y trouve énormément de plans fixes. Les seuls mouvements de caméra viennent quand les personnages nagent dans le lac. Donc aucune utilité. On préfèrera l’aspect clinique de la réalisation de Michael Haneke, qui sert son histoire. Ici, c’est un manque cruel de recherche. Un peu de limpidité n’aurait pas fait de mal.
L’inconnu du lac est un film en demi-teinte. Alain Guiraudie nous livre un film sous forme de faux film de cul, et faux thriller. Assez provocateur pour mettre le spectateur mal à l’aise, cette perturbation est gage de tenir le spectateur jusqu’au bout. Bien que le dénouement soit vraiment mauvais, presque écrit à l’arrache. Grâce à des dialogues intelligents, Alain Guiraudie fait de la métaphysique sur l’amour, le désir et l’espoir. Accompagné de l’amitié et de la solitude, le film fait preuve d’une intéressante gravité entre la vie et la mort. Dommage que la réalisation austère ne suive pas, même si la photographie soit sublime. Manque de recherche formelle dans ce huis-clos sauvage et plein d’amour.
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