Le cinéma, c’est aussi un public qui se divise sur un film. Voici le cas de L’Odyssée de Pi et ses deux critiques radicalement opposées. Il en faut pour tous les goûts.
Critique de Kynerion
Beau ? L’Odyssée de Pi l’est, à coup sûr, mais en 3D. Intéressant ? Faut voir. L’histoire est loin d’être complexe, mais la réalisation patchwork d’Ang Lee nous découpe le film de manière plutôt grossière entre passé et présent, et pas forcément nécessaire. Enfin, pire que tout, enlevez cette fameuse 3D et vous amputez l’oeuvre de la plus grande partie de son effet spectaculaire. Et un film qui tient sur son argument technologique risque de souffrir dans la durée. C’est parti.
Thalassa-thérapie
L’histoire, vous l’avez sans doute déjà en tête : l’Inde (Pondichéry), un jeune garçon et sa famille (papa maman grand-frère) qui exploitent un zoo, la crise (et oui déjà) qui oblige à partir au Canada. Le bateau. Le naufrage.
Arrêtons-nous un moment sur ce naufrage. LA scène du film. Grandiose, spectaculaire, gigantesque. Si vous n’avez pas le fauteuil qui tremble sous les vibrations, changez de cinéma. Paradoxalement c’est aussi ce qui donne une petite claque à toute la première partie du film : la mise en place très longue du contexte (de l’aveu même des personnages qui racontent l’histoire !) qui avait commencé par un générique fort ennuyeux (maquillé par un premier « argument-3D »). Bref, le naufrage, enfin. On a mis du temps pour y arriver, mais il est là, et on profite. Parce que la suite, le gros de cette Odyssée de Pi, est loin d’être aussi intense.
Tigre et Poissons
Une fois le naufrage du bateau survenu, c’est celui du film qui commence. La dérive de Pi avec quatre animaux, puis trois, puis deux, puis un : Richard Parker, le tigre. Et c’est alors qu’un looooooong apprentissage entre nos deux personnages s’engage, entre confrontation et lutte pour la survie. Mais soyons clairs : ce n’est en aucun cas une odyssée, au sens étymologique du terme (celui qui nous vient d’Homère avec Ulysse). Là, c’est bien la dérive d’un canot de sauvetage avec ses occupants, et de l’eau, beaucoup d’eau (avec un bonus tempête), des poissons, beaucoup de poissons (avec un bonus baleine), et allez, quand même, une île (avec un bonus carnivore). Et si vous regardez bien l’île, elle représente un corps humain couché (ne me demandez pas pourquoi j’ai remarqué ça, habituellement je passe à côté de ce genre de détails). Tout cela pour nous rappeler que L’Odyssée de Pi est aussi, quelque part, une réflexion sur nos croyances, les religions, mais on n’est pas sûr de bien comprendre le message alors on nous laissera avec le sempiternel ‘chacun doit trouver la réponse en lui’ ou quelque chose dans le même genre.
L’Odyssée de Pi apparaît finalement comme un film-déclic, qui renvoie le spectateur à sa propre histoire personnelle. A travers cette fable, on sent bien qu’Ang Lee tente de toucher un aspect parfois tabou (le deuil). S’il rate sa cible, son oeuvre ne prendra pas. Mais s’il atteint, c’est directement au coeur.
Critique de Mg
Facétieux Ang Lee. Non content d’aligner une filmographie hétéroclite à souhait (des cowboys, des dragons, un Hulk, une tempête de neige…), voilà le cinéaste prenant – humblement – à bras le corps l’histoire d’un jeune naufragé coincé sur un rafiot avec un tigre. Là où d’autres se sont cassés les dents, Lee livre un merveilleux film, un grand film. Sans doute le long métrage le plus ambitieux et réussi de l’année.
Ne nous y trompons pas, ce LIFE OF PI (en VO) est une histoire à vous tirer les larmes. Un jeune garçon, plein d’espoirs et de rêves, survis seul au naufrage du bateau qui emmène sa famille et un zoo en Amérique. Seul, mais pas trop ; un tigre du Bengale est lui aussi à bord du canot de sauvetage, seul animal (au final) à survivre. S’ensuit alors une histoire de survie et d’amitié comme sait si bien le faire Hollywood, mais servi de telle manière par un Ang Lee métamorphosé qu’on en reste bouche bée! La gestion de la 3D, l’accumulation de plans superbement finalisés et mis en couleurs, la scène du naufrage tout simplement dantesque.. Le réalisateur livre une somme gigantesque de matériel cinématographique que nous mettrons du temps à ingérer, digérer, régurgiter. Cette ODYSSEE DE PI est un formidable voyage aux allures de renouveau pour le cinéma contemporain, qui livre ici son plus bel exemple de rencontre entre arts et technologies. Une application féérique et sans défauts spécialement sur une 3D enfin (peut-on dire) mise en valeur.
Bluffant, le nouveau film d’Ang Lee arrive à mettre en forme une histoire assez peu commune, réputée inadaptable, qui laisse libre court à l’imaginaire et à la création. Un grand film d’aventure et très humain qui nous rassure : on aura au moins eu quelque chose de ce niveau cette année ! Sans conteste possible l’un des grands rendez vous de cette fin d’année.
4.5 / 5
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