Mary Shelley

Voici une cinéaste saoudienne en laquelle tant d’espoirs ont été fondés. Avec WADJDA, Haifaa Al-Mansour avait lancé beaucoup de promesses. Et ça redescend brutalement avec MARY SHELLEY. Ce film de commande n’a plus le charme ou l’élan féministe de WADJDA. N’ayant pas la liberté de l’écriture, la cinéaste s’embourbe dans une histoire et un rythme qu’elle ne peut pas contrôler. Le résultat est donc bien fade et monotone dans sa construction. Les portraits d’hommes malhonnêtes s’enchaînent, dans une errance qui ne compte plus toutes ses ellipses temporelles. Le plus grand problème est donc là : les personnages masculins sont réduits à une généralité, pour mieux forcer l’émotion dans le côté féministe. Tout est tellement surligné et explicatif, que le film ne sait plus tellement où il veut en venir. Toutes les idées sont passées au mixeur, juste pour clamer le point de vue féministe comme un élément marketing. Ce n’est plus une jeune femme qui brave son environnement pour faire ressortir son rêve.

Evidemment, la bonne idée est de ne pas mentionner la fameuse oeuvre FRANKENSTEIN avant la fin, et de se concentrer sur la condition de sa protagoniste Mary. Ainsi, Haifaa Al-Mansour pouvait y trouver un alter-ego plus fort que Wadjda. Mais voilà, au lieu de se focaliser et de chercher à mettre en lumière la force créatrice dans un environnement hostile, elle montre surtout la souffrance endurée par Mary. Le portrait d’une société patriarcale toujours d’actualité est fort juste, mais le film fait de grands raccourcis. Toutes les passions, toutes les relations (amoureuses et amicales) ainsi que tous les désirs basculent trop vite dans la désillusion. Les rapports entre personnages sont coupées brutalement par l’éternel « tous pourris », la création est réduite à quelques plans ridicules où un crayon tourne autour des doigts, etc.

Cette désillusion ne coïncide pas avec la condition de la cinéaste, première femme cinéaste de son pays, ni avec l’élan d’espoir porté avec WADJDA. Le récit est davantage ponctué d’attaques sur les personnages masculins, que de recherche de développement de sa protagoniste. Tout le problème vient du concept de film de commande. Haifaa Al-Mansour, révélée avec un seul long-métrage, est noyée sous les prétentions de la commande. L’esthétique formelle est tellement pauvre, contrairement à l’élan libérateur et coeur battant de WADJDA, que la cinéaste n’arrive à aucun moment imprimer un quelconque style. Il n’y a pas une seule scène qui ressort parmi d’autres. Dans un décor surchargé inutilement, avec une musique bien trop présente et des comportements sans aucune inspiration, MARY SHELLEY n’est qu’un biopic quelconque et pédagogique parmi tant d’autres. Là où Susanna Nicchiarelli a réussi à trouver la femme dans l’icône avec son film NICO 1988, Haifaa Al-Mansour ne fait qu’effleurer la créativité pour réduire le féminisme à la souffrance. Vivement son prochain projet personnel, que l’on oublie ce faux pas.

MARY SHELLEY
Réalisé par Haifaa Al-Mansour
Scénario de Emma Jensen, Haifaa Al-Mansour
Avec Elle Fanning, Douglas Booth, Ben Hardy, Tom Sturridge, Bel Powley, Owen Richards, Joanne Froggatt, Stephen Dillane, Maisie Williams, Hugh O’Connor, Ciara Charteris, Jack Hickey
Pays : Royaume-Uni, Luxembourg, États-Unis
Durée : 2h
Sortie française : 8 Août 2018

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