Niko, Berlinois presque trentenaire, éternel étudiant et rêveur incorrigible, s’apprête à vivre les vingt-quatre heures les plus tumultueuses de son existence : sa copine se lasse de ses indécisions, son père lui coupe les vivres et un psychologue le déclare « émotionnellement instable ». Si seulement Niko pouvait se réconforter avec une bonne tasse de café ! Mais là encore, le sort s’acharne contre lui…
Je ne vais pas énoncer les principes des mouvements nommés Nouvelle Vague, Wikipedia le fait très bien à ma place. Mais ce que je peux dire par contre, c’est que pour un premier film, on comprend où son cinéaste veut aller. Dès le début, la référence éclate et on saisit où Jan Ole Gerster veut en venir. Avec cette première scène dans une chambre, un jeune homme avec une jeune femme, celle-ci a les cheveux courts, c’est en noir en blanc, les habits des personnages, etc… Les éléments sont là pour nous faire rappeler Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo dans A bout de souffle de Jean-Luc Godard.
Ce film nous montre vingt-quatre heures de la vie d’un jeune homme, proche de la trentaine. Côté narration, pas besoin d’aller chercher très loin. La linéarité et le non-enjeu concret sont de mises. Mais quand il s’agit de raconter la vie, ça passe toute de suite beaucoup mieux. Nul besoin de se laisser surprendre, seulement de se laisser transporter dans cette ballade des choses de la vie. Vous savez, quand on ne demande qu’à vivre une journée tranquillement, sans dérangements, et que tous les obstacles s’abattent les uns après les autres ? C’est Oh Boy.
La seule petite chose que l’on pourra reprocher au film, c’est l’un de ses personnages. Et l’un des plus importants. Il s’agit de Judika, ancienne camarade de classe de Niko (protagoniste). Autrefois, elle pesait 80 kilos et treize ans plus tard, la voilà devenue une belle jeune femme qui fait du théâtre. Ceci est un fait. L’utilisation du personnage est encore plus décevante. Evidemment, le personnage va tourner toute son existence autour de son passé. Quand elle ne peut plus ignorer une seule remarque, et devient agressive. Ou alors sa volonté que son partenaire dise « je baise avec la petite grosse ». Trop, c’est trop.
Heureusement, les autres personnages secondaires sont mieux gérés. Des personnages qui nous sont présentés, avant de les insérer à l’histoire du protagoniste. Et comme il n’y a pas d’enjeu concret, ces personnages n’apporteront rien à l’histoire. Si ce n’est un nouvel obstacle, un nouvel événement dans cette journée. Quant à Niko, le cinéaste se plait à le montrer comme un être ordinaire. Eternel étudiant, grand rêveur et personnage ne sachant pas réellement où il va. Jan Ole Gerster parle de Niko comme il pourrait parler de n’importe quel lecteur de cet article.
C’est grâce à cela qu’on s’aperçoit l’amour porté aux personnages. Car, au fond, il n’y a pas tellement de mauvaise personne dans cette histoire. Jan Ole Gerster filme des acteurs, et nous montre l’amour envers les êtres humains. C’est en cela que les relations et que les dialogues entre personnages sont si beaux. Un film faussement romanesque et faussement aventureux, dans lequel la mélancolie est de rigueur. En filmant vingt-quatre heures de la vie d’un personnage, le cinéaste allemand parle d’une promenade anecdotique mais précieuse. Faites de rencontres, d’errances et de souvenirs, cette promenade est très jazzy.
Très jazzy car la musique est de la sorte. Cette musique jazz sert de bout en bout le côté mélancolique du personnage principal. Elle sert également, et surtout, le côté errance / ballade de l’histoire. Grâce à cette bande originale bien tendre, Jan Ole Gerster nous emmène à travers une visite de Berlin. On passe par un café, un théâtre, etc… (je ne préfère pas en dire trop) : le cinéaste allemand nous filme ici un Berlin à la beauté pure. Très vite, le noir et blanc du film ne se fait plus ressentir, au profit d’une ville artistique remplie de couleurs et de création.
Mais Jan Ole Gerster n’en a pas fini avec la forme de son film. Il ne veut pas s’arrêter sur le côté jazzy. C’est un vrai coup de maître qu’il signe dans le style avec la caméra. Une fois de plus, la caméra agit ici comme une baguette magique. Tour à tour des plongées et des contre-plongées dans leurs significations de base, des travelling remplissant l’errance, des flous pour se concentrer sur le premier plan, du champ/contre-champ sublime, etc… Voilà un jeune cinéaste qui a tout compris à la réalisation.
4.5 / 5