Juan et sa famille s’installent dans la campagne du Mexique. Enfant des villes, il se demande si un autre mode de vie est possible, ou s’il doit se battre pour éliminer en lui l’un ou l’autre.
Si l’on prend la traduction exacte du titre du film, nous obtenons « La lumière après les ténèbres ». Il vaut mieux l’expliquer dès le début pour éviter à certains spectateurs de partir au bout de vingt minutes. C’est vraiment dommage de quitter un film aussi beau et sensoriel que celui-là. Carlos Reygadas avait effrayé et dérouté la presse et certains cinéphiles blogueurs à Cannes 2012. Faut-il donc le revoir pour être totalement pris par le film ? Pas nécessairement, car la petite prétention qui se cache derrière chaque plan a tout de même son charme.
Etre charmé par ce film n’est surement pas l’expression correcte. Etre déboussolé par ce film est plus correct. En effet, ce film fait parti de ceux qui vont faire cogiter votre esprit des heures après. La narration, le rythme et le sujet ne sont pas faciles à prendre. Lors de la projection, il peut y avoir ce mélange de « c’est du grand n’importe quoi » avec du « c’est du grand cinéma ». C’est ce mélange qui va vous tourmenter, et qui faussera peut-être votre avis sur le film.
L’esprit, la vie, la famille. Voilà les thèmes essentiels du film. Le personnage principal, interprété par l’excellent Adolfo Jimenez Castro, se voit devoir faire un choix de mode de vie. Question d’adaptation. Et on sait tous que s’adapter à quelque chose de nouveau n’est pas chose aisée. Ainsi, comme dans El Campo de Hernan Belon (2012), cela peut impliquer des tensions au sein d’une famille. Mais également dans notre esprit. C’est l’entrée dans les ténèbres. Et Carlos Reygadas nous dit qu’il y a toujours de la lumière au bout de ce long chemin à travers les ténèbres.
Ce film se présente un peu comme un Terrence Malick qui se tournerait cette fois-ci vers le diable. Le divin disparait, place à la désillusion et la pénombre. Car ce chemin à travers les ténèbres est rempli d’instants qui dépassent les personnages. Ces personnages qui accumulent la douleur, la peine, les malheurs et les contraintes d’une vie qu’ils ne connaissent pas. Et dans tous les moments malsains, la pénombre surgit pour nous dire que la lumière est éphémère, qu’elle n’est finalement peut-être pas accessible.
C’est comme plusieurs éclairs qui s’abattent sur la vie de ces personnages. Le silence en dit long dans ce récit. Et ces éclairs qui empêchent de rompre le silence, nous montre la nature primaire de l’homme. L’être humain est un sauvage. Contrairement à Los Salvajes (2013) où les personnages redevenaient des sauvages petit à petit, Carlos Reygadas nous dit dès le début que ceci est encré en l’homme. Et tant que l’homme sera un être sauvage, rempli d’éclairs et de pénombre, les désillusions vont continuer et la lumière sera encore de plus en plus loin.
Avec ce film, l’homme est face à ses peurs. Le diable, qui traverse la vie tourmentée de ces personnages, est présent pour rappeler qu’à chaque minute de notre vie, nous flirtons avec la mort. C’est ainsi que Carlos Reygadas se rapproche le mieux de la vie. En effet, le cinéaste délivre une expérience sacrée de la vie. Et comme l’homme n’a jamais été aussi près de la mort, c’est l’occasion d’émerveiller au mieux la vie. Et cela passera par la réalisation de Carlos Reygadas, sacrée elle aussi.
Chaque image est sidérante de beauté. Chaque plan, chaque photographie est hypnotique à souhait. Une hypnose qui bloque les personnages dans les ténèbres dans lesquels ils se sont embarqués. Et qui sait, la lumière ne survient qu’après la mort… Deux mondes différents mais qui ont en aucun les obstacles de la vie passée et présente. Remarquons que, dans chaque plan, il y a un double effet aux extrémités et en haut. Effet de flou et effet de doublage de l’image. Ainsi, le monde dans lequel nous vivons est déjà le pays des ténèbres.
Au milieu, image traditionnelle. Mais avec une photographie sublime. La lumière des films de Terrence Malick en sens inverse (donc en lumière sombre et angoissante). Et c’est là que vient la difficulté pour le spectateur de trouver la lumière. Car elle n’existe pas dans les plans. Nous sommes alors pris avec les personnages dans cette traversée des ténèbres, afin de rechercher la lumière délivrante. Celle qui délivera l’homme de tous ses soucis : maladie, désillusion, rivalités, travail, silence, etc…
4 / 5