Omar

Après Les Voisins de Dieu de Meni Yaesh, on pouvait avoir de grandes attentes. Une nouvelle histoire d’amour en plein conflit. Même si les conflits ne sont pas les même, l’intensité qui en ressort est comparable. Entre respect et loyauté à sa religion, puis une occupation politique, il n’y a qu’un pas. Des règles à suivre, des citoyens conditionnés à des idéologies, etc… En parallèle de ces histoires, on nous offre une romance dont l’issue est incertaine. Dans ces thèmes, une histoire d’amour entre deux idéologies (ou peuples) opposés est dangereuse, et imprévisible. Les deux intrigues peuvent donc fonctionner comme une bombe à retardement.

Là où le film de Meni Yaesh nous offrait une remise en question, une objectivité fascinante, celui de Hany Abu-Assad a un parti pris évident. Dès les premières scènes, le spectateur est amené à s’attacher à un personnage qui subit l’occupation. Aussitôt, on comprend que le réalisateur veut nous emmener vers une dénonciation. Il y a les bons personnages, et il y a les méchants personnages. Sauf qu’après Les Voisins de Dieu, il nous est livré un trop plein de subjectivité. Le spectateur ne peut ni douter, ni s’interroger, ni être sur la balance. Le spectateur ne peut que s’inquiéter du sort du gentil gars (ici Omar, le titre est déjà une invitation à prendre son parti).

Comme le parti à prendre est amené directement au début, le réalisateur n’a plus de soucis à se faire pour son personnage. Là où Les Voisins de Dieu nous offrait une scène d’exposition pour décrire les personnages, Omar n’en prend pas la peine. On passe directement au sujet, et le développement des personnages se déroulera tout au long du film, par petites touches par-ci par-là. Ceci afin de mieux caser les sujets dans le film. Sauf qu’à vouloir trop en dire, on en fait pas assez.

Le film a son histoire globale : la romance entre Omar et Nadia (la talentueuse Leem Lubany). Il n’existe que deux types d’histoires d’amour : les comiques et les tragiques. La force du film tient à l’axe mené par cette romance. Car le film montre qu’une histoire d’amour a toujours deux obstacles : intérieur et extérieur. Avec ce film, l’espoir en l’amour absolu est détruit dès le départ avec le postulat de l’occupation. Ca n’empêche pas au réalisateur d’inculquer l’espoir d’y croire, par le biais du personnage Omar.

Mais ce qu’il faut noter dans ces deux formes d’obstacles, c’est la mise en forme de la romance par les acteurs. Quand ils sont ensemble (les seules scènes où l’écriture va aussi loin qu’il le faut), il y a cette espèce de bulle qui permet une transparence sur tout le reste. Quand Adam Bakri et Leem Lubany sont côte à côte, l’amour prend tout son sens. Et leurs personnages sont à leur sommet de sincérité. Ils prouvent à plusieurs moments qu’ils ont juste besoin de leurs regards et leurs sourires pour nous toucher. Puis, quand ils sont face à face, l’attachement est renforcé par une tension électrique. Suivant le positionnement des deux acteurs, le film nous dira deux choses différentes.

Mais le problème, c’est que tout le reste vient s’axer autour de ça. Au lieu de développer au maximum tous les petits sujets abordés, il y a un manque d’aboutissement et de profondeur. Le mur de la séparation ne vient jamais créer d’image pour ressembler à un point sombre dans l’histoire d’amour. Le mur n’est qu’un élément lambda du décor, pour marquer la séparation dans une ville ordinaire. C’est aussi le cas des méchants de l’histoire. Des personnages secondaires qui sont à aucun moment développés. Leur seul intérêt est de servir d’obstacle physique et psychologique. Ça manipule, ça menace, ça tabasse et ça crie. Rien de plus.

On ne pourra pas non plus compter sur le scénario, trop linéaire. Des scènes et des obstacles redondants, des personnages qui n’en font qu’à leur tête, etc… Malgré un montage surprenant (dans le sens positif) de temps en temps, cela n’enlèvera pas que le film reste un pur film d’action qui ne dit pas son nom. Le film essaiera de surfer sur la romance et sur le thriller sans cesse, mais sans jamais parvenir à les conjuguer pour créer une tension progressive.

Hany Abu-Assad a quand même plus d’un tour dans son sac. Une romance plutôt bien gérée, mais également un thriller qui s’élève grâce à la mise en scène. Avec la performance des acteurs, le réalisateur peut se consacrer entièrement à sa caméra. Le soucis de réalisme est à place comme un avantage. Comme si nous avions une fiction dans le réel. Même si tout a été créée, la force des images sur la réelle situation est impressionnante. L’ambiance est en demi-teinte, à cause d’un relâchement dû à la romance.

Enfin, les détails inscris par le soucis de réalisme et la quête qu’entreprend Omar, amènent à se poser une question. Le film aurait-il des faux airs d’épopée ? Je parle de faux airs, car l’épopée serait alors ratée. Trop lisse et passez « rentre-dedans », le film fait tout reposer sur son histoire d’amour. Sauf que Candide est passé par bien de situations qui critiquent le monde et certaines théories. Son histoire d’amour avec Cunégonde n’a jamais été l’axe principal. C’est là que Hany Abu-Assad aurait dû cacher un peu plus sa romance : l’amour rend aveugle.

2.5 / 5
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