Pygmalion : Carlos Conceição

Dans le cadre de sa 34ème édition, le Festival international du film d’Amiens lançait le nouveau programme PYGMALION. Ce dispositif vise à mettre en avant le travail d’un jeune auteur européen. Pour la première édition de Pygmalion, le FIFAM a d’accueilli le réalisateur portugais Carlos Conceição, auteur de plusieurs courts métrages dont le dernier était sélectionné cette année à la Semaine de la critique du Festival de Cannes. PYGMALION permettra de découvrir en salle la filmographie de cet auteur prometteur. Lors de deux journées, le public du Festival a pu découvrir ses quatre court-métrages, réalisés entre 2010 et 2014. Cet article vise surtout à parler du travail du jeune réalisateur, et non pas à faire les critiques respectives de ses films. En quelque sorte, un article qui tente d’étudier les propositions cinématographiques de Carlos Conceição.

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En 2010 et 2011, le jeune cinéaste a sorti deux court-métrages, intitulés CARNE et O’INFERNO. En 2013 et 2014, il a sorti deux nouveaux court-métrages, intitulés BOA NOITE CINDERELA et VERSAILLES. Comme le dit lui-même Carlos Conceição, le Portugal n’a pas de ministère de la culture comme en France. Les recherches de subventions sont plus compliquées, ce qui implique une difficulté à produire et réaliser des projets cinématographiques. Ses quatre court-métrages ont chacun eu très peu de moyens. C’est en cela qu’il est nécessaire de suivre, mettre en avant et appuyer le travail de Carlos Conceição. Car son travail de cinéaste est déjà très prometteur.

Les dingues de burlesque seront ravis, les amateurs de genres diversifiés dans une filmographie seront heureux, ceux qui aiment qu’un cinéaste explore plusieurs thèmes auront leur messie. Parce qu’entre ses quatre films, Carlos Conceição montre très peu de choses en communs. Que ce soit dans le fond comme dans la forme. Et c’est ce qui fait la puissance de son cinéma. Pour le paraphraser, le réalisateur portugais part soit d’une image ou d’une situation précise, autour desquelles il constituera un film. C’est ainsi que va naître l’esthétique de ses films. Enfin, je devrais parler de plusieurs esthétiques.

Ce qui est important ici, c’est que l’esthétique est unique à chaque film. Il ne s’agit pas des intrigues qui s’adaptent à une esthétique, mais bien des esthétiques qui s’adaptent à une intrigue. On ne parlera pas d’expressionnisme des espaces, mais on s’y approche à quelques moments des films. Il y a surtout une volonté d’adapter la lumière, les couleurs et la profondeur des espaces aux personnages. Bien qu’on devrait plutôt parler d’espaces qui s’esthétisent selon les confrontations et les actions des personnages. Que ce soit le bois mystérieux de BOA NOITE CINDERELA ou la pièce vide et austère de CARNE, ou que ce soit le château somptueux de BOA NOITE CINDERELA ou du bar chic de CARNE : il y a un grand jeu sur l’esthétisation des ambiances. Soit dans la légende du château avec le grand escalier, ou dans l’oppression d’un huis-clos.

Dans O’INFERNO et VERSAILLES, on retrouve cette idée d’adapter l’esthétique à une intrigue. Le premier est doté de nombreuses couleurs froides, et pourtant la lumière retentit souvent autour des personnages. Comme si les situations gênantes peuvent être vues comme des états de grâce personnels. Dans le second, c’est plus sévère. La rigueur, la brutalité des couleurs sombres font de la situation un jeu dangereux. Peu de lumière vient transparaitre dans cette cabane perdue dans un bois. Et il y a une forme de connexion entre les couleurs et les espaces, où les personnages sont la parfaite définition de ces couleurs. C’est à cet instant que l’on aperçoit que les personnages appartiennent totalement à cet espace angoissant et apocalyptique, où la manipulation devient encore plus grande.

Mais il y a bien une chose qui relie tous les films de Carlos Conceição. Dans sa mise en scène, il regarde ses personnages avec la même vision (à quelques détails près, selon le schéma esthétique qu’impose l’intrigue). Carlos Conceição nous filme une sorte de sensualité à chacun de ses films. Beaucoup de tendresse circule dans ses films, parfois dans la beauté de l’amour ou parfois dans la manipulation malsaine. De la sensualité qui est l’argument principal d’un style qui mélange la poésie des images à la mise en scène troublante. Une chose est certaine, cette sensualité vient en contradiction avec la tragédie des intrigues. Car Carlos Conceição n’a pas réalisé des comédies, mais bien des tragédies. Sauf que ces tragédies ont une dimension absurde, sans aller jusqu’au burlesque pur. Quelques touches d’exagération et d’ironie viennent circuler dans les attitudes et les positions des personnages.

Ce qu’il faut surtout noter dans cette absurdité qui accompagne les films de Carlos Conceição, son esthétique est au grand service de ses découpages. Même avec sa caméra, le réalisateur portugais filme un amour pour ses personnages. Jamais racolleur, mais dans la délicatesse des mouvements et dans la rigueur métaphorique des échelles de plans. Au service complet des acteurs, la caméra vient capter l’essence du mélange esthétique/absurdité. A partir de cela, Carlos Conceição peut avoir un montage fascinant où vient s’ajouter des bandes originales envoûtantes (parfois ironiques). Un conseil, notez son nom et voyez ses films, car il fera parler de lui dans les années à venir.

Carlos Conceição

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