Le Cinéma peut parfois être source de libération, de soutien, de catalyseur pour crever un blocage, une névrose ou une inquiétude. Au début d’année, Yolande Zauberman avait réussit ce geste avec M dont la caméra aidait fortement Menahem dans sa quête douloureuse. Avec QUELLE FOLIE, Diego Governatori n’en est pas très loin. Son documentaire permet de libérer et faire exploser la parole d’Aurélien Deschamps, qui y trouve tout l’espace et tout le temps nécessaires pour s’exprimer comme il le souhaite. QUELLE FOLIE est un film de parole et de solidarité, un film d’empathie en soi. Il faut voir comment la caméra et la liberté qu’elle procure dessine des sourires sur le visage d’Aurélien, contrairement au tout début du film. Plus le film avance, davantage Aurélien est à l’aise pour communiquer ce qu’il a en tête.
Presque 90 minutes de documentaire pour libérer la parole et les pensées d’Aurélien, car le processus est très progressif. Diego Governatori montre qu’il faut prendre le temps d’écouter, prendre le temps d’attendre une pensée se développer jusqu’au bout. Le cadre devient alors thérapeutique, catalyseur de toutes les pensées d’Aurélien. Grâce à ce rapprochement, le cinéaste absorbe dans ses images la personnalité et le mal-être d’Aurélien. Celui-ci est effectivement charmant, mais il est constamment troublé. Il est très éloquent, mais la caméra le filme toujours dans une forme de solitude (même lorsqu’il est entouré et qu’il cherche à discuter avec autrui). Il marque une distance avec tout ce qui l’entoure, mais il théorise et analyse beaucoup de choses. Comme si les plans-séquences du documentaire pouvaient, pendant quelques instants, donner le contrôle à Aurélien alors qu’il subi l’environnement.
Le cadre de Diego Governatori est comme un medium d’assemblage, qui explore plusieurs zones d’ombre dans l’esprit d’Aurélien, et finit par tout réuni pour lui donner le pouvoir de délier sa parole et ses pensées. QUELLE FOLIE est alors doté de regards différents : il y a les confidences et longs discours face caméra, puis il y a des mises en situation où Aurélien est entouré d’inconnu-e-s. Il est cependant fort dommage que le documentaire tend vers l’abstrait : que ce soit par la métaphore bien lourde avec les fêtes où des taureaux sont lâchés dans les rues, ou même avec l’intention de conclure avec un montage porté vers l’expérimental. Avec la métaphore et l’expérimental, le documentaire finit par dériver de son focus et de son sujet. Et malgré le sentiment interminable de certaines confidences, QUELLE FOLIE reste un documentaire intéressant où l’espace mental a du mal à cohabiter avec l’espace physique.
QUELLE FOLIE
Réalisé par Diego Governatori
Avec Aurélien Deschamps
France
1h27
9 Octobre 2019