Vous n’avez pas l’habitude de voir des films hongrois au cinéma ? Et bien c’est l’occasion d’en voir un correct. Le plus marquant dans ce long-métrage, est de ne pas savoir comment en parler, où le classer. Parce qu’il n’a pas l’air de solliciter la participation du spectateur, mais ce dernier sera surpris. Et parce qu’il tient à mêler le film d’action, le thriller et la comédie avec la tragédie intime. La frontière entre les genres est marquée par celle entre le réel et l’imaginaire. Les deux protagonistes sont Zolika et Barba, deux jeunes hommes en fauteuils placés en centre spécialisé. Pour passer le temps, ils créent une bande dessinée.
Mais entre temps, ils rencontrent Rupaszov, un handicapé comme eux, mais qui est devenu tueur à gage. Ce-dernier va les entraîner dans leurs aventures. Bien plus que la narration, le montage du film ne laisse jamais percevoir si tout ce qui est perçu est réel ou non. Le cinéaste donne toujours de la matière au spectateur, afin qu’il s’implique dans le point de vue des personnages. Parce que le drame, la comédie et le thriller nous permettent d’angoisser (pour les protagonistes et avec eux) et de rire (des protagonistes et de le faire avec eux). Même si on peut lui reprocher son happy end comique – on serait bien resté à l’émotion de la révélation finale – le film est un réel élan d’amour envers les personnes qui souffrent d’un handicap.
Le long-métrage est en soi une catharsis pour les protagonistes, car chaque action menée dans chacun des genres, est une volonté de se séparer enfin des fauteuils. Bouleversant par ses péripéties, a tout de même le défaut d’être trop redondant et modeste dans son ambiance. Même si les protagonistes savent très bien qu’ils ne se lèveront plus jamais, leur imagination n’est que furtive et ne trouve qu’une liberté bloquée. Parce qu’il y a quelque chose de trop nerveux et hésitant dans le ton des protagonistes et dans l’ambiance, alors le film ne peut pas décoller vers le fantasme absolu (vers une alternative profonde) : cela reste une imagination non autonome.
Pourtant, la mise en scène qui tend à faire accélérer le mouvement, et l’esthétique qui n’hésite jamais à ouvrir les espaces ainsi que l’horizon, sont autant de qualités qui permettent au film de créer un échappatoire. Jamais dans la radicalité entre le réel et l’imaginaire, il s’agit de les connecter sans cesse pour que le montage puisse créer un vrai rythme de film d’aventure (vers la catharsis). Avec quelques temps morts dont il ne faut pas révéler ici le contenu, mais surtout avec une approche déterminée envers les personnages, Attila Till donne un coup de pied à la réalité et à la société : l’imagination prend le dessus, la mise en scène redonne une dignité à ses protagonistes, l’esthétique les inscrits définitivement dans l’espace commun.
ROUES LIBRES de Attila Till
Avec Zoltan Fenyvesi, Szabolcs Thuroczy, Adam Fekete, Dusan Vitanovics, Lidia Danis, Monika Balsai, Bjorn Freiberg.
Hongrie / 105 minutes / 15 Février 2017